Sous ce titre énigmatique Cendrer ses sculptures, l’artiste trentenaire, qui vit et travaille entre Paris, Marseille et Mexico, expose des œuvres réalisées entre 2014 et 2024. Dans les deux premiers espaces de Vidéochroniques, ce sont des sculptures constituées d’objets et de matériaux de récup à prédominance métallique, qui ont des allures d’assemblages, de jeux d’équilibre rêveurs, à la fois minimalistes et fantaisistes. Des bouts de cadres, étagères, supports, plaque découpée, barre, tige, grilles de rayonnages, associées à des rouleaux de revêtements décoratifs, bande de protection pour le cou, sac plastique, hublot, soucoupe en métal, tissu. Et même une branche d’arbre, servant de jambe de bois à une étagère esseulée. Trois ou quatre éléments associés, des sortes de calligraphies brèves et précaires, en trois dimensions.
Traduction des formes
Pas de cartels sur les murs, mais un livret de visite avec le plan de l’exposition, où l’on apprend que cette série de sculptures est regroupée par l’artiste sous le terme de « Misensemble ». Le texte d’Edouard Monnet, directeur de Vidéochroniques, donne plus d’informations sur la démarche artistique de Victoire Barbot : ses recherches portent sur différents états possibles d’une même sculpture. Elle a mis en place un protocole de création, qui part de la collecte et de l’assemblage, qu’elle fait suivre du dessin de cet assemblage, puis de sa version démontée et rangée, puis de la boite de rangement, de la mise en plan de la boîte, et finalement d’une mise en ligne « obtenue par l’addition des périmètres de chaque polygône figurant sur le plan ». Sept états différents pour une même sculpture, la mise en exposition de l’un des états excluant la mise en exposition des autres.
Adaptations de portes
Changement d’échelle avec les œuvres monumentales présentées dans les trois autres salles de Vidéochroniques : deux œuvres murales, chacune dans une salle, l’une en plaques de métal dorées embossées (5m de haut, 3m de large), l’autre un bas-relief en brique de mousses gravées (6m de haut, 4m de large). La première, Sans titre pour Paradis fait référence à La Porte du Paradis de Lorenzo Ghiberti, face à la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, l’une des œuvres magistrales de la Renaissance. La seconde, Touchée, coulée, en briques de mousse gravées, est une adaptation de La Porte de l’Enfer de Rodin, d’où furent extraites pendant plus de 30 ans ses plus fameuses sculptures individuelles, dont le célèbre Penseur. Enfin l’installation, titrée JEAN(S) 1-74, est une sorte de jardin fragile, occupant tout l’espace, dans lequel on se déplace comme dans un magasin de porcelaine. Une démultiplication des mêmes matériaux, en l’occurrence : des tubes en cuivre, accueillant des épis de blé, dans les tiges desquels sont prises des cartes à jouer.
MARC VOIRY
Cendrer ses sculptures – Victoire Barbot
Jusqu’au 4 mai
Vidéochroniques, Marseille