La parole a circulé entre élu·e·s, professionnels et participants sensibles à la conservation comme à la transmission des langues régionales ou celles issues des Outre-mer et des diasporas. À l’évocation des élus des territoires de Bretagne, Alsace, Région Sud, Corse, Pays basque, Réunion, Martinique, Occitanie, Saint-Martin (Antilles) il apparaît clairement que la France est un pays pluriel dont le français est la langue commune mais non la langue unique.
Pas de ratification
La nation française a bâti son unité sur le monolinguisme. D’abord contre le latin utilisé dans les actes de justice et par le clergé, avec le roi François Ier, puis contre les langues régionales, avec la Révolution française puis la IIIe République et l’instruction obligatoire en français.
Face à la reconnaissance de l’Europe des langues régionales et minoritaires, la Constitution dispose que « la langue de la République est le français » : le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 15 juin 1999 qu’en adhérant à la Charte, la France méconnaîtrait les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français et d’usage officiel de la langue française.
Le Conseil d’État a confirmé en 2013 ce jugement et a opposé un avis négatif à une telle ratification le 30 juillet 2015.
Reconnaître, conserver, enseigner les langues
Pourtant, pour Fabien Le Guernevé, adjoint en charge de la Culture de Vannes, vice-Président de la FNCC et fervent défenseur de la langue et de la culture bretonnes, la conservation et la transmission des langues régionales ou minoritaires doit constituer un objectif fort des élus, au plus proche de leur territoire : une meilleure mutualisation entre offices de langues régionaux permettrait une prise en compte collective et équitable des réponses des ministères de la Culture et de l’Éducation nationale. Victor Vogt, Président de l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle revient sur les enjeux de transmission dans le cadre scolaire et les écueils classiques liés aux traumas de l’histoire franco-allemande.
Pour Agnès Freschel, adjointe déléguée aux Cultures et aux Mémoires du premier secteur de Marseille, il faut promouvoir toutes les langues parlées en France et se défier de la tentation identitaire comme d’un prétendu universalisme centralisateur. La proximité entre projets culturels, artistiques et promotion des langues minoritaires répond aux enjeux soulevés par les droits culturels et aux nouvelles prérogatives des collectivités. Elles témoignent de leur vitalité dans la production contemporaine musicale notamment à Marseille.
Des élues de la Réunion, de la Martinique et de Saint-Martin soulignent l’importance de la reconnaissance et de l’enseignement des créoles dans les territoires et département d’Outre mer. Leur variété, leurs apports culturels, leurs inventions verbales, la reconnaissance, pour les locuteurs, de la validité de leur culture.
Vers une reconnaissance ?
Les langues régionales et minoritaires, qu’elles soient frontalières ou coloniales, illustrent de façon puissante l’enjeu de pouvoir qui s’exerce dans leur contrôle, qu’elles s’expriment entre pouvoir central et régional, ou entre territoire sous gestion administrative et politique de l’État français.
Faire avancer une nouvelle étape de décentralisation permettant d’attribuer la compétence des langues régionales aux collectivités territoriales et d’être une « tête de réseau » pour les Office de promotion des langues et cultures régionales est une intention claire pour la FNCC.
Sans paradoxe, il apparaît que langues régionales et minoritaires partagent les mêmes imaginaires, ceux de l’autochtonie et de l’ailleurs, ceux de la créolisation, et du Tout-monde.
SAMIA CHABANI