Point commun entre les trois œuvres au programme, elles ont été créées à Paris, dans la mythique salle Gaveau. En ouverture, histoire de « se chauffer les doigts », la Sonate en sol mineur L.140 de Claude Debussy déclinait la mosaïque de ses thèmes. Le compositeur, alors très malade, écrivant pendant la guerre, voulait obtenir un « joyeux tumulte », parcouru de frémissements douloureux, « comme si on écoutait une âme quittant son corps en agonie », commente Bilal Alnemr.
Autre drame en trois actes, la Sonate FP 119 de Francis Poulenc éblouissait par sa précision d’orfèvre. Créée en juin 1943, malgré sa détestation pour cette forme dont il disait « le violon prima donna sur piano arpège me fait vomir », Poulenc la composa à la demande insistante de la violoniste Ginette Neveu. Hommage à Lorca, la partition très contrastée avec des passages rythmiques violents et des mélodies proches de la chanson donne à voir une Espagne fantasmée nimbée d’une poésie onirique. Les sanglots du violon sont aussi ceux de Poulenc qui écrit en exergue du deuxième mouvement le vers du poète assassiné « la guitare fait pleurer les songes ». Le « presto tragico » semble être une véritable course à l’abîme en une technique de collages où l’on retrouve des emprunts à Rachmaninov, Tchaïkovski et un délicieux pied de nez à « tea for two » avant le couperet final, terrible, où les derniers pizzicati du violon scellent la sentence de mort du poète et résonnent dans le dernier accord du piano comme un coup de feu.
Enfin, symbole d’une passion fatale d’après Tolstoï, était jouée la pièce maîtresse par sa taille, la célèbre Sonate n° 9 en la majeur de Beethoven, dite Sonate à Kreutzer . Le ton fougueux, parfois déclamatoire, la force dramatique de l’ensemble, sa capacité à peindre les mouvements d’une âme, la multiplicité des registres, trouvaient dans l’interprétation très juste et fine des deux musiciens un écrin particulièrement sensible.
MARYVONNE COLOMBANI
Le 21 juin, parvis de la mairie de Vauvenargues