mercredi 2 octobre 2024
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Chantons sous la pluie ou presque

Programmé dans la cour de l’Hôtel Maynier d’Oppède, le concert de Jawa Manla s’est déplacé dans l’amphithéâtre de ce haut lieu aixois

Petite pluie sur Aix, mais hors de question d’annuler le concert de la chanteuse et joueuse de oud, Jawa Manla. La jeune artiste réunissait autour d’elle ses complices, pour la plupart issus de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, sur ses propres compositions : Elif Canfezâ au kemenche (nommé parfois lyre de la Mer Noire à trois cordes frottées par un archet), Adèle Viret au violoncelle que l’on a déjà entendue au festival l’an dernier avec le groupe qu’elle a fondé, MosaïcPierre Hurty à la batterie, Sinan Arat à la flûte et au ney, enfin Munzer Al Kaddour, récitant. Le programme de la soirée reprenait les morceaux de l’album Distant Roots, accessible sur diverses plateformes du net. La jeune artiste évoque d’abord dans Layla, l’enthousiasme éprouvé lorsqu’elle était enfant au moment d’aller suivre sa leçon de oud à l’école de musique, dansante et jubilatoire énergie. Une chanson traditionnelle syrienne vient s’insérer dans ce parcours, Bali Ma’ak, un air qui a accompagné l’adolescence de la musicienne et qui raconte la perte de l’être aimé, blessure sans espoir, où l’écho de la voix disparue semble se confondre avec les contrepoints du violoncelle. La voix de Jawa Manla, subtilement modulée, profonde et expressive, sait épouser l’intériorité des poèmes avec une sobre élégance. Dafa (qui signifie chaleur et convivialité en arabe) retrace la distance si courte, une journée de voiture, et pourtant infranchissable, entre Marseille et la Syrie, pays natal de l’artiste. À la nostalgie liée au déracinement se lie un poème de Nizar Kabbani qui peint les odeurs de café, de jasmin et de cardamone du pays perdu. Les lettres du poète Ibn Zeydoun (1003-1071) et de sa compagne poétesse, Wallada bint al-Mustakfi, la Sappho arabe (994-1091) viennent raconter leurs amours contrariées et les inatteignables partages… La virtuosité de l’oudiste se joue des rythmes, mêlant ceux des musiques arabes à ceux des Balkans ou ceux de la musique classique européenne. La fusion entre les sonorités d’instruments d’origines différentes, la variété des styles, la profondeur du propos, la justesse de l’abord d’une musique à la fois savante et populaire séduisent, lumineuses et sensibles. 

MARYVONNE COLOMBANI

Le 22 juin, Hôtel Maynier d’Oppède, Aix-en-Provence, dans le cadre d’Aix en juin

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