Dans les travées, l’ambiance est électrique, l’excitation palpable. Parents, grands-parents, frères, sœurs, voisins sont venus en masse. Pour la plupart, c’est la première fois qu’ils viennent à l’Opéra. Le moment est à la fois festif et solennel. Mehdi Haddjeri, directeur du Nomad’ Café, à l’initiative du concert, met le public à l’aise : « Quand il y a trois ans j’ai souhaité monter ce projet un peu fou, le directeur Maurice Xibeiras m’a dit : “l’Opéra, c’est la maison de tous les Marseillais. C’est aussi ta maison. Alors vous êtes aussi chez vous ».
L’homme est très ému et il le dit. Car ce spectacle à l’Opéra, labellisé dans le cadre des Olympiades culturelles, est l’aboutissement du travail incroyable réalisé par La Cité des Minots qui permet à des enfants de quartiers de zones prioritaires de travailler avec des artistes de renom. Cette année, grâce à des intervenants musiciens, 750 élèves de CE1 et CE2 de quinze écoles dans cinq arrondissements de Marseille (2e, 3e, 12e, 13e, 14e) ont pu apprendre les chansons de l’artiste franco-béninoise Angélique Kidjo dans les quatre langues parlées au Bénin : le fon, le yoruba, le mina et le français. Un vrai défi. Et c’était enfin le grand soir, la chance inestimable pour les enfants de pouvoir chanter sur scène avec la diva africaine. Pour certains gamins, il y avait eu un « avant ». Une centaine d’entre eux étaient déjà « montés » quelques jours à Paris pour accompagner les chanteurs de la Cité des Marmots basée dans le « 9.3 », sur la scène du Théâtre du Châtelet. Rien de moins. Cent « Parisiens » sont à leur tour « descendus » dans le sud pour partager le spectacle des Marseillais.
C’est une entrée impressionnante que réalisent les centaines de minots groupés autour de leur marraine – divine dans un habit traditionnel aux couleurs chatoyantes – et de son guitariste virtuose, le Togolais Amen Viana. Dans la fosse les musiciens de l’orchestre philharmonique de Marseille, sous la direction de Federico Tibone s’apprêtent à entrer dans la fête avec bonheur en interprétant des morceaux aux rythmes dont ils ne sont pas toujours coutumiers au sein de l’institution.
Ambassadrice de l’Unicef
Cinq fois lauréate des Grammy Awards, Angélique Kidjo enchaîne quelques-uns des plus grands succès de sa longue carrière, avec des textes toujours engagés : Agolo, message d’espoir pour la terre qui invite à vivre en harmonie avec notre environnement, Awalole qui encourage les jeunes à s’unir autour de valeurs communes, et bien sûr Afrika qui appelle à l’action collective pour construire une Afrique plus forte. En chœur, les enfants reprennent les refrains à pleins poumons et chorégraphient avec leurs bras, vite imités par un public en liesse.
Celle qui fête cette année ses 40 ans de carrière n’a rien perdu de son déhanché, de son énergie et de son franc-parler : en ces temps d’incertitudes et alors que les idées nauséabondes de l’extrême droite progressent, elle a accepté de devenir ambassadrice pour les droits de l’enfant à l’Unicef. Elle s’inquiète : « J’ai appris de mes parents que ce n’est pas la couleur de peau qui différencie les humains. Allons-nous enfin vivre ensemble, demain, dans la diversité, sans haine et sans violence ? Nous avons tellement à apprendre de “l’autre”».
Sur scène comme dans la salle, aux mines réjouies, au bonheur intense et à la fierté qu’on lit sur les visages de toutes les couleurs et de toutes les origines, les mots « diversité » et « humanité » prennent tout leur sens.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Les concerts se sont tenus le 26 et 27 juin, à l’Opéra de Marseille.