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Attrape-moi si tu peux !

Avec leur dernier film Vini Vidi Vici, les réalisateurs de WinWin et de Davos poursuivent leur dénonciation d’un système capitaliste cynique et mortifère

En 2016, un des avocats de Trump affirmait que son client pourrait bien tirer sur quelqu’un dans la 5e avenue sans être inquiété ni perdre une seule voix. La suite des événements n’est pas loin de lui avoir donné raison. Tant l’outrance du personnage surfant au-dessus des lois s’est accompagnée d’une incroyable impunité. Dérive ou évolution logique de l’ultra libéralisme et de l’individualisme à son stade ultime, autrefois théorisés par Ayn And dans La Source Vive. Un livre culte que les réalisateurs Daniel Hœsl et Julia Niemann citent dès l’ouverture de Veni Vidi Vici : « La question est qui m’arrêtera ? »

Cette interrogation est celle que se pose le multimilliardaire Amon Maynard (Laurence Rupp), archétype du riche sans morale qui teste les limites de sa puissance sans jamais les trouver. Et indirectement celle que cette fable volontairement outrancière, au petit air dystopique, pose évidemment aux spectateurs : « Qui l’arrêtera ? »

Maynard aime les armes, la chasse. Il devient régulièrement un sniper, tuant au hasard des passants. C’est un tueur en affaires par soif d’argent, de pouvoir, et un assassin dans la vie par désœuvrement, provocation, ou juste parce qu’il le peut. Les autres sont de viles proies, faibles, lâches, méprisables, impuissantes. Par ailleurs, Maynard est le mari amoureux d’une femme plus âgée Viktoria (Ursina Lardi) qui a du mal à concevoir un nouvel enfant et choisit sur catalogue une mère porteuse pour éviter les vergetures. Il est aussi le père biologique aimant et protecteur de Paula (Olivia Goschler),ado aussi odieuse que son géniteuret pour laquelle « l’éthique est une perte de temps ».Et le père adoptif de deux fillettes gâtées dans tous les sens du terme et qui roulent déjà en Porsche. La petite famille vit dans une somptueuse et lumineuse maison d’architecte surdimensionnée, où s’érigent des statues de rats géants, où la piscine arrive dans le salon, et dont les meubles coûtent les yeux de la tête – des autres de préférence.

La monstruosité s’expose dans de jolies couleurs chics. De plus en plus décomplexée,  normalisée, voire respectée. En trois chapitres reprenant chaque mot de la célèbre formule de Jules César, le film démontre l’acceptation de l’inacceptable. Collusion des pouvoirs, politique, économique, financier, juridique, policier et médiatique. Un témoin gênant sera facilement éliminé ; un journaliste « pur » semblable à un héros de film américain, sera bien vite neutralisé et retourné. Rien de bien original ici, ni dans le propos ni dans la forme glacée à souhait d’une allégorie qui verse dans la satire clownesque. Moins virtuose, moins jouissif, moins complexe, moins ambigu que les films de Ruben Öslund auquel on pense inévitablement, Veni Vidi Vici brosse un portrait grimaçant de notre monde à gros coups de pinceaux, sans sfumato !

ÉLISE PADOVANI

Veni Vidi Vici, de Daniel Hœsl et Julia Niemann

En salles le 18 septembre

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