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Les Belles Créatures , l’été meurtrier

Le deuxième long métrage du réalisateur islandais Guomundur Arnar Guomundsson plonge le spectateur dans la violence de la jeunesse de son pays

Il était une fois dans une époque récente trois jeunes Islandais qui vivaient dans une périphérie urbaine qu’on ne nommera pas. Le premier, Konni, (Viktor Benóný Benediktsson) surnommé « l’animal », chef de la bande, cognait avant de réfléchir et ne craignait que la brutalité de son père. Le second Siggi (Snorri Rafn Frímannsson) suivait aveuglément le premier. Quant au troisième, Addi (Birgir Dagur Bjarkason), il cohabitait comme sa petite sœur, avec une mère aimante, un peu chamane, à la blondeur de fée illuminée (Anita Briem). Le père, alcoolique, ayant été éloigné du foyer. C’est du point de vue d’Addi, de plus en plus empathique, que va se raconter l’histoire.

C’est lui qui intégrera à la bande d’adolescents désœuvrés, prompts à aller bastonner une quatrième « créature », chétive et « puante » Balli (Áskell Einar Pálmason), jusqu’alors victime résignée de leur harcèlement quotidien et de leur brutalité. Balli survit, dans un taudis, quasi abandonné. Son beau-père Svenni (Ólafur Darri Ólafsso ) véritable ogre incestueux et violent est sur le point de sortir de prison. Sa mère junkie (Ísgerður Elfa Gunnarsdóttir) et sa grande sœur, la plupart du temps, s’absentent du « foyer ». Et les péripéties s’enchaîneront pour le pire et le meilleur.

Les Belles Créatures de Guðmundur Arnar Guðmundsson a quelque chose du conte,  habité des visions prémonitoires de Danni, héritier, bien malgré lui, des pouvoirs maternels de médium, au pays des sagas légendaires et guerrières. Pays-paysage autour de Reykjavik, qui,  s’il n’est pas au premier plan ici, apparaît par moments, dans la beauté âpre et chaotique de l’été islandais. C’est aussi un film social sur la déliquescence des familles, la perte des repères, et des pères absents ou toxiques, sur la représentation mortifère de la masculinité et la défaillance des services de protection. C’est encore un film d’apprentissage qui met en scène très finement les rapports de force et de faiblesse dans un groupe, la logique solidaire de la meute contre d’autres meutes, l’allégeance au plus fort, au plus fou, les prises de risque insensées propres à l’adolescence, le jeu de rôles entre les individus marqués chacun par leur trauma, et traînant leur boulet de souffrances et de peurs. Car la violence n’est pas « gratuite » : elle est rançon à payer pour d’autres violences dans un enchaînement fatal.

Mais Les Belles Créatures, c’est surtout un film qui ne nous conduit jamais vraiment où on croyait aller. Du naturalisme à l’onirisme, de la cruauté à la tendresse, de la haine à l’amitié, d’un tunnel où on se cache des loups qui guettent les tout petits Poucet à un pont qui enjambe les rives et relie les amis. Qui nous plonge, caméra à l’épaule, en immersion dans les rixes, les viols, les agressions, les orgies, les hallucinations. Qui nous renvoie en pleine poitrine, une violence oppressante, parfois à la limite du supportable. Mais capte, inattendus les gestes de tendresse, de fraternité, de fragilité. Qui nous perche avec les garçons sur les toits dans un vertige anticipant à tout moment la chute et nous happe dans le drame par une mise en scène, un casting et une direction d’acteurs impeccables.

« Le tournage était comme une danse entre le chef opérateur, les jeunes et moi, Sturla Brandth Grøvlen, notre directeur de la photographie, est génial pour sa manière de lire une scène et d’interagir avec l’acteur. Son travail est magique », dit le réalisateur.

En 123 minutes qu’on ne voit pas passer, le film Les Belles créatures redonne à un titre qui s’appréhende au premier abord comme ironique, son sens littéral.

ÉLISE PADOVANI

Les Belles Créatures, de Guðmundur Arnar Guðmundsson 

En salles le 25 septembre

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