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Le pourquoi du Coran

Dans Le Livre d’Aïcha de Sylvia Aguilar Zéleny, une sœur cherche à comprendre comment sa sœur a troqué ses idéaux marxistes pour ceux de l’Islam le plus rigoriste

Traduit et paru aux éditions du Bruit du Monde l’année dernière, Poubelle, récit choral s’étendant autour de la décharge de Ciudad Juárez, avait fait découvrir la plume, la langue et l’univers de Sylvia Aguilar Zéleny. L’autrice mexicaine est de nouveau mise à l’honneur par la maison marseillaise, cette fois-ci en pleine rentrée littéraire d’automne. Le Livre d’Aïcha impressionne lui aussi par la vigueur de sa forme fragmentaire, et par sa langue acérée, entre brute oralité et amère poésie. Les liens avec le réel y demeurent très présents et pourtant s’y voient continuellement remis en question, ou du moins mis en perspective. Ce n’est pas uniquement l’histoire d’Aïcha que sa sœur a décidé de poser sur le papier. Plutôt celle de sa famille, et d’elle-même, confrontées à la brutale et inexplicable disparition d’une jeune femme née sous le nom de Patricia. Lors d’un voyage d’étude à Londres, la vive et émancipée Patricia rencontre Sayeb et bascule : elle coupe peu à peu tout contact avec sa famille et devient Aïcha, épouse soumise à la volonté et à la violence de son mari. L’écriture devient pour sa jeune sœur Sylvia un refuge, un autel où s’accumulent des questions toujours insolubles.

Du sel et des plaies

Ils sont nombreux, au fil de ce récit composite, à prendre la parole : les parents, oscillant entre un irrépressible besoin de comprendre cette soif d’absolu et une volonté d’entretenir, coûte que coûte, la présence fantomatique de leur aînée au sein de leur famille. Les frères, n’ayant trouvé que la colère pour admettre que leur grande sœur, cette pasionaria « le profil type de la fille de prof », ait troqué les idéaux de la gauche marxiste pour ceux de l’islam le plus rigoriste. Et Sylvia, hantée par des bribes de souvenirs de plus en plus lointaines : « Les montagnes de sel qu’elle mettait dans son assiette avant même de goûter un plat, ses sourcils relevés quand elle se regardait dans le miroir »… Déroulé sur des années d’attente, Le Livre d’Aïcha se fait moins cri de colère que chant d’amertume résigné : un roman doux et hanté. 

SUZANNE CANESSA

Le livre d'Aïcha, de Sylvia Aguilar Zéleny
Bruit du Monde, 21 €
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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