« Depuis que cette histoire m’est arrivée, il se passe des surprises toutes les semaines ». L’histoire, c’est celle qu’a commencée Sharon Tulloch le 6 mars 2019, quand on lui a demandé de rassembler ses affaires en deux heures et de quitter son logement mis en péril. Les « surprises », c’est toutes les embûches et les joies que l’illustratrice a connues depuis ce chamboule-tout dans sa vie : la petite chambre d’hôtel, les logements provisoires, mais aussi son livre intitulé Un voyage accidentel paru en janvier 2024, puis une lecture musicale, et aujourd’hui une pièce de théâtre.
Ce vendredi 6 décembre – jour de son anniversaire – cette marseillaise d’origine jamaïco-britannique est en plein préparatifs pour sa résidence qui commence le lendemain : « C’est drôle, je n’ai jamais été aussi busy de ma life». Pendant une semaine, elle va monter la pièce Travelling(s), qu’elle présentera vendredi 13 décembre à la Distillerie d’Aubagne, bien aidée par son « groupe de badass ».
« Plein de choses à voir »
Dans ce groupe, il y a notamment Déborah Nambodokana, son amie – « il faut bien la mentionner » –, avec qui elle a cofondé la compagnie Déraciné, à l’initiative de cette pièce. Emmanuel Reymond également, à la contrebasse et à la composition musicale, déjà présent avec elle pour les lectures musicales présentées ces derniers mois. Des figures de la scène contemporaine participent aussi au projet : l’autrice et metteuse en scène Eva Doumbia proposera son regard extérieur, la chorégraphe Adina Secretan aidera à la dramaturgie, et la comédienne Zita Hanrot, sa fille, passera pour l’occasion à la mise en scène : « Là on met vraiment le paquet », tranche-t-elle.
Du contenu de la pièce, elle préfère ménager le suspens : « ça, il ne faut pas le dire… » Mais elle entend voyager « entre plusieurs histoires de déracinement. Pas forcément liées à la rue d’Aubagne, pas forcément liées au [s]ien. Il y aura aussi des allers retours historiques, sociaux, et politiques ». On y entendra de la musique avec Emmanuel Reymond, des images seront projetées, et Sharon jouera les textes : « Je ne sais pas ce que ça va donner, mais il y aura plein de choses à voir ».
Ce sera en tous cas dans le prolongement du travail qu’elle a commencé en 2019, en crayonnant « sa famille de déracinés » pour un article dans le magazine Marie-Claire. Le premier pas d’un long chemin créatif qui lui a permis de prendre la parole, et la donner aux personnes concernées par ces délogements : « Tout ce qu’on se disait entre nous, je l’ai documenté et archivé ». Alors le passage du livre à la scène était déjà une évidence : « Les mots dans le livre sont écrits pour être lus à haute voix ».
Après la représentation à la Distillerie d’Aubagne, Sharon espère qu’elle pourra la présenter ailleurs à Marseille : « C’est important que ces choses-là soient entendues ». D’autant plus important que se déroule en ce moment le procès des effondrements de la rue d’Aubagne, que Sharon suit avec attention, et auquel elle assistera dans quelques jours. Un drôle d’écho des planches d’Aubagne jusqu’au prétoire du tribunal correctionnel de Marseille d’ailleurs, mais comme Sharon le dit elle-même : « un voyage ça peut t’emmener… waouh ».
NICOLAS SANTUCCI
Travelling(s)
13 décembre
La Distillerie, Aubagne
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