Entre l’humiliation de l’énième audition loupée, et celle des concours de beauté, quelle différence, finalement ? Un peu malhonnête mais néanmoins sincère, cette interrogation a poussé la jeune Suzanne de Baecque de la porte close des concours des Conservatoires d’art dramatique à une autre : celle d’une effarante élection de Miss Poitou-Charentes tenue en 2020. En compagnie de sa camarade Raphaëlle Rousseau, Suzanne de Baecque revient sur ce bien étrange évènement, et confronte avec une joie manifeste son physique et sa fantaisie hors normes à l’étau terrifiant du monde des Miss, à la violence d’un tel milieu et surtout d’un tel imaginaire.
Solide et juste
Il faut en effet la voir, jouer de la singulière désarticulation de son corps et de ses mirettes terriblement expressives dire l’impossibilité de se conformer à un rituel aussi rigoureusement codé que terriblement absurde. L’échec est ici cuisant mais sublime, et la pièce aurait pu ne consister qu’en ce réjouissant jeu de massacre. Mais une fois cette mise en pièces effectuée, avec brio et panache, survient peut-être la partie la plus intéressante du spectacle. Celle qui prend le temps et la peine de donner la parole aux autres, ces aspirantes Miss qui n’étaient, elles, pas venues participer par goût du grotesque ou du happening. Jouant jusque-là, face à la précision de jeu et la force tranquille de Raphaëlle Rousseau, une partition plus désordonnée et farfelue, Suzanne de Baecque se révèle ici d’une solidité et d’une justesse rares. Les témoignages recueillis et brillamment restitués suscitent un autre rire : bienveillant, tendre, qui confine parfois aux larmes lorsqu’il emmène le spectateur dans un monde qui n’a pourtant plus grand-chose de familier. Un joli détour qui confirme les talents de comédienne mais également d’écriture et de metteuse en scène de Suzanne de Baecque : loin de se centrer sur ses seuls talents et son seul langage, la comédienne brille et émeut par sa capacité à regarder au-delà du cadre.
SUZANNE CANESSA
Spectacle donné du 18 au 20 décembre à La Criée, scène nationale de Marseille.
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