Salim Djaferi ouvre son spectacle par une question qu’il s’est lui-même posée : « Comment dit-on colonisation en langue arabe ? » Dans un espace scénique intime, il raconte son histoire, celle de sa mère, de son grand-père, de milliers d’Algériens, de Français issus de la colonisation. En quête de réponses pour comprendre son identité, mais surtout son passé et celui de sa famille, Salim Djaferi raconte ce conflit qu’on appelle Guerre d’Algérie en France, là où on le nomme Révolution, en Algérie.
Étrangement, il met à l’aise son public, des rires osent s’échapper, sur un sujet qui reste difficile à engager. Honnête, Salim Djaferi entremêle le fruit de ses recherches et de sa réflexion, d’une introspection de ses propres réactions. Parfois dans une posture professorale, il donne un cours sur l’étymologie du mot colonisation en arabe, ses dérivés, ses traductions, sa genèse. Il image son cours avec quelques objets, des panneaux de constructions, des outils en bois, des éponges, qu’il utilise pour illustrer les différentes définitions qu’on lui a données. Parce que lorsqu’il interroge, tous lui donnent un mot différent pour définir cette période. Sa mère quant à elle l’appelait « quand ils étaient là », ce que beaucoup d’Algériens comprennent !
Théâtre documentaire
La colonisation a plusieurs formes et visages, mais elle reste « une violence qui ne peut pas être oubliée », rappelle-t-il. Koulounisation ne se contente pas de recenser les massacres, et fait comprendre l’importance et le poids des mots. Ils enferment et catégorisent : transformés par « interférence phonétique », les noms et prénoms sont transformés, ou niés, par une autre culture, une autre langue, dominantes, en terrain conquis.
L’auteur-comédien dévoile des documents d’identité de sa famille qu’il a retrouvés : ils indiquent les changements de noms faits par les autorités françaises pour une meilleure « acclimatation française ». On entend encore, de nos jours, l’enregistrement d’une employée de France Travail, qui enjoint un demandeur d’emploi d’ôter toute mention de l’Algérie pour être pris au sérieux. Salim Djaferi rappelle ainsi que le colonialisme marque encore les esprits, au présent, et pas seulement les mémoires.
LILLI BERTON-FOUCHET
Koulounisation s’est joué le 28 janvier à La Garance, Cavaillon, et du 29 au 31 janvier au Théâtre Joliette à Marseille
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