mercredi 26 février 2025
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« TO THE NORTH » , une parabole biblique sous un thriller glacial

Venu du documentaire et du journalisme le réalisateur roumain Mihai Mincan signe avec To the North un premier long métrage de fiction. Présenté à la Mostra en 2022 dans la section ORRIZONTI, le film sort sur nos écrans le 26 mars.

To the North s’inspire d’un fait divers : l’affaire du Maersk Dubai. Trois passagers clandestins à bord du porte-conteneurs taïwanais Ming Fortune – en location longue durée pour le groupe AP Moller-Maersk, furent assassinés et jetés à l’eau par le capitaine et ses officiers, en mars et mai 1996. Un quatrième, caché par quatre autres membres de l’équipage, échappa à ce triste sort. Le réalisateur conserve ce cadre pour développer son scénario.

C’est sur la noyade de deux hommes en très gros plans que s’ouvre le film puis, élargissant le champ, sur l’immensité océane qui ne leur laisse aucune chance. Le large sillage vu du ciel d’un navire fait linceul. Cut : nous voilà au port. Deux jeunes hommes, sacs à dos, marchent, improvisent une partie de foot Bulgarie-Roumanie avec une boîte de conserve. Ils  rêvent d’atteindre l’Amérique des cow-boys et des self made men. On les retrouvera à bord d’un cargo, grelottant dans un conteneur. Le Bulgare (Dimitar Vasilev) arrêté par un officier, mourra. Le Roumain Dimitriu (Niko Becker), sera caché et nourri par Joël (Soliman Cruz)  aidé par ses compagnons de galère, philippins comme lui, à l’insu de leurs supérieurs taïwanais. Très pieux, ému par la Bible que possède ce passager clandestin, Joël ne supporte pas les crimes du capitaine, voudrait les dénoncer mais qui croirait un marin philippin ? Et sa bonté ne met-elle pas en péril ses camarades, réticents à l’idée de risquer leur job pour sauver cet inconnu? Les riches Taïwanais et les parias philippins partagent le même sort difficile des marins séparés de leurs familles mais les premiers ont tout pouvoir sur les seconds. Au fil des tâtonnants échanges en espagnol, ou mauvais anglais,  toujours viciés par le rapport dominant-dominé, s’esquissent des réflexions. Qu’est-ce que le mal ? Non pas un grand monstre qui fond sur l’humanité, pour Joël, mais quelque chose qui s’immisce dans les petits gestes. Comme le Bien, en somme. Mais ce qui est bien est-il juste ? Et ce qui est juste est-il bien ? Le criminel capitaine, froid comme un serpent, a ses raisons comme l’immigré clandestin qui transformera un bien en un mal. To the North est un film inconfortable. Non seulement parce qu’il  nous enferme dans le huis clos d’un cargo en mer, nous perd dans le labyrinthe vertigineux des conteneurs, nous plonge dans les ténèbres des cales, étire le temps de la traversée, devenu un compte à rebours oppressant. Non seulement parce qu’adoptant les codes du thriller et du survival, il exacerbe notre angoisse, nous colle aux personnages par de très gros plans. Non seulement parce que Nicolas Becker et Marius Leftãrache tisonnent cette angoisse par une B.O  lancinante, incisive, qui double le grincement des machineries, suit la pulsation des moteurs ou se casse sur un silence menaçant. Mais surtout, parce que To the North brouille la rassurante opposition entre le bien et le mal, affole la boussole et ne propose pas de fin rassurante. Et c’est justement parce qu’il dérange et pour la poignante interprétation de Soliman Cruz qu’il faut aller voir ce film.

ELISE PADOVANI

Prix de la Presse Indépendante à la Mostra

 Trois Gopo Awards ( César roumains) : Meilleur Premier Film, Meilleur jeune espoir pour Nikolaï Becker, meilleure photographie

Prix du Meilleur Son décerné par l’Union des Cinéastes roumains

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