Créé au Bon Marché, haut lieu du shopping de luxe, Entre chiens et louves a depuis tracé son chemin loin de la rive gauche parisienne. Le dispositif, monumental décor aux atours haussmanniens, s’animant au gré des humeurs et passages de ses habitants, perd peut-être de sa pertinence loin des gravures Art déco et des lustres opulents qui l’ont vu naître. Il gagne cependant en espace et en impact sur un public fasciné de bout en bout par les prouesses de ses circassiens et la grâce de son propos.
État sauvage
Conçu dans un cadre on ne peut plus bourgeois, le spectacle étonne cependant non seulement par son inventivité, mais également par son anticonformisme. Pensé à destination d’un public familial, Entre chiens et louves raconte l’émancipation de personnages brimés par leurs époques et diktats conjugaux. Louise, contemporaine de la construction du bâtiment – aux alentours de 1870 – ne rêve que d’aller danser, au grand dam de son nigaud de mari ; et Maud, rêveuse des swinging sixties, découvre non sans appréhension son attirance pour les femmes. Alex, installé de nos jours avec son compagnon et un colocataire un brin envahissant, découvre les journaux intimes de ces locataires et reçoit la visite de fantômes plus ou moins bienveillants.
Portés par de grands classiques et la musique originale subtile d’Alexandra Streliski, les artistes émeuvent sur de tendres duos, impressionnent par l’inventivité de leurs gestes et exploits en tous genres, sous la direction de Charlotte Saliou à la mise en scène, Léonard Kahn à la dramaturgie et Maria Carolina Vieira à ladramaturgie du geste. Portés à quatre étages, barre russe, doubles mâts chinois, mains à mains, contorsions … Si la virtuosité impressionne, elle émeut également dans sa capacité à capter une joie du collectif, notamment dans une très belle scène de bal viennois, joliment déjantée.
SUZANNE CANESSA
Spectacle donné les 4 et 5 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
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