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À livre ouvert

Au Théâtre Molière, une grande relecture du chef d’œuvre de Stendhal Le Rouge et le Noiradapté à la scène par Catherine Marnas. Totalement fidèle, et complètement personnel

Julien Sorel est-il le modèle littéraire des transfuges de classe ? L’entrée en matière par la fin du roman, le discours de Julien Sorel à l’issue de son procès, le suggère : « Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la bassesse de sa fortune. »

D’entrée la lecture romantique de Stendhal est mise à mal, pour une vision plus complexe, réaliste voire matérialiste, du personnage et de l’époque. Le lien amoureux y dépend des rapports de classe et du poids du clergé, des hiérarchies qu’impose la vieille aristocratie dans une société réactionnaire : on est 1830, en pleine Restauration, réaction au sens propre à la Révolution et à l’Empire. 

Lecture historique, l’adaptation de Catherine Marnas ne cherche pas à moderniser l’intrigue, mais parle pourtant de notre époque à chaque instant. Par la liberté des personnages féminins, leur sensualité, leur soif de jouissance et de liberté ; par la critique appuyée du clergé et de la religion ; par les motivations d’ascension sociale qui sont autant de tentatives de sortir de la pauvreté et d’affirmer l’égalité. Le Rouge et le Noir, classique de la littérature, retrouve sa force, à livre ouvert. Le scandale de sa parution, rappelé au début du spectacle, en est comme ravivé.

Sans réserve 

Il est rare qu’un spectacle vous laisse sans réserve et se déroule, plus de deux heures durant, sans fausse note ni moments faibles. Là tout est juste et fort : la scénographie sans ostentation de Carlos Calvo, avec un proscénium et de simples projections sur des pendrillons translucides, décline les espaces, de la ferme paternelle à la prison en passant par le riche décor de la maison aristocratique ou de la chambre bourgeoise. Les comédiens sont tous les cinq formidables, drôles, émouvants, jamais convenus, surprenants, profonds. Jules Sagot campe un Julien Sorel qui se veut froid mais sans cesse, à fleur de peau, laisse voler ses mains et couler ses larmes. Bénédicte Simon est une madame de Rénal débordante de tendresse et de sensualité, constamment émouvante. Laureline Le Bris invente une Mathilde féministe, loin des caricatures cérébrales qu’elle pourrait susciter. Simon Delgrange et Tonin Palazzotto incarnent tous les autres, monsieur de Rénal, le père Sorel, le père de la Mole, les curés, avec une souplesse et une drôlerie constante.

Car on s’amuse beaucoup des travers de cette société si artificielle, de ses valeurs et rigidités qui empêchent de vivre l’amour. La critique sociale, matérialiste, n’empêche ni le rire, ni les sentiments de vibrer d’un bout à l’autre du spectacle. Surdoué, frustré, sans mère, Julien est un hypersensible qui s’ignore, qui ne reconnaît pas l’amour qu’il éprouve, qui ne voit pas celui qu’il suscite chez deux femmes follement éprises. Sa mort, tragique, inspirée d’un fait réel, dit autant l’impossibilité de changer de classe que celle d’aimer et de jouir. Éloge des sens très elliptique dans le roman, que la mise en scène et la présence des corps fait éclater d’évidence.

AGNÈS FRESCHEL

Le Rouge et le Noir
Les 6 et 7 mai
Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète
Le Rouge et le Noir a été créé au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine le 7 novembre 2023

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