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Jean-Baptiste Mees : œufs, bacon, et tout le reste 

La journée qui s'en vient est flambant neuve, le nouveau film de Jean-Baptiste Mees, nous emmène dans deux restaurants de Montréal, à la rencontre de leurs habitués

Tout commence par une éclipse solaire qui captive tous les habitants de Montréal. Sans doute celle d’avril 2024, l’éclipse du siècle. On en parle, on la regarde avec des lunettes de protection. Cris de joie. Applaudissements de la foule réunie dans le parc Jeanne-Mance. Visages tournés vers l’astre qui disparait, en gros plans. Des visages filmés de près, on en voit beaucoup dans le film de Jean-Baptiste Mees. Ceux des habitués de deux lieux de Montréal, le Corvette et le Nouveau Canada Hot-Dog ; des lieux où l’on peut encore manger des œufs et du bacon !

 « Autrefois, à Montréal, c’était facile de trouver des restaurants où on pouvait trouver des œufs et du bacon. Maintenant, c’est des cafés avec des croissants et des muffins », constate Denise Laroche, qui déplore le côté « hautain » de ces cafés. Car dans les retaurants, on se sent bien. On y mange, on parle, on picore dans l’assiette de son voisin de table, on se confie : regret de tout ce qu’on n’a pas fait dans sa vie, aller camper, partir en road trip avec quelqu’un. On joue aux mots fléchés. On est là pour essayer de s’échapper du trou de l’isolement. Langage des yeux, langage des signes, visages qui sourient, visages tristes, entrevus dans les reflets, filmés parfois de l’extérieur où la neige amortit tous les bruits, enveloppant ces lieux de vie tels des cocons. Portraits esquissés, comme des fragments de vie qui nous parlent de solitude  mais aussi de chaleur humaine. Des fragments que Jean-Baptiste Mees a su capter avec sa caméra Super 8 avec beaucoup de douceur et d’amour.

ANNIE GAVA

Jean-Baptiste Mees est venu présenter jeudi 24 avril au cinéma La Baleine son film documentaire La journée qui s’en vient est flambant neuve. Entretien

Jean – Baptiste Mees (C) Nikita Thevoz

Zébuline. D’où vous est venue cette idée de film ? 
Jean-Baptiste Mees. L’idée vient de ma rencontre avec le restaurant ; j’y suis entré un jour d’hiver. Je venais d’arriver à Montréal, j étais un peu perdu. Il neigeait et ce resto m’a appelé, ce genre de resto qu’on voit souvent dans le cinéma américain. J’y suis allé régulièrement le matin et j’ai eu envie de filmer ce que j’y voyais. C’était lié aussi à la lecture de poésie québécoise contemporaine. Comme de la poésie directe. J’expérimentais en film Super 8 et 16. J’ai eu envie de créer des récits du matin avec la contrainte du Super 8 dans cet espace-là.

Il y a deux lieux ; les deux restaurants Le Corvette express et le New Canada Hotdog à 49 minutes à pied l’un de l’autre. Pourquoi ce choix ?
Absolument. Je me suis rendu dans plusieurs restaurants et très vite j’ai fait des prises de son. Quand je sortais le micro, les gens venaient vers moi. Des gens qui avaient le désir d’une rencontre et qui ont pris le micro. Très vite, j’ai eu des rencontres importantes dans ces deux resto qui ont quelque chose en commun : des restaurants -déjeuners qui ont une tradition d’hospitalité mais tendent à disparaitre dans cette ville qui se gentrifie beaucoup. Je n’ai pas eu envie de choisir entre les deux. De plus, j’ai rencontré Denise, la dame mal entendante, qui fréquentait les deux. Cela m’a conforté dans l’idée dans mon désir de filmer les deux lieux.

Tourner en super8 a été un choix dès le début ? Filmer en pellicule veut dire une économie de plans à l’inverse du numérique. Comment avez-vous géré cela ?
Avant je tournais en numérique et j’ai eu envie de briser cela. Avant d’arriver à Montréal, j’avais expérimenté le Super 8 et le 16 dans une société de production, Main Films. J’ai très vite compris qu’avec la contrainte de la durée du film – une bobine, c’est 2 minutes 30 – j’allais toucher à une écriture plus fragmentée, plus poétique et que ça m’emmenait ailleurs. Tourner en numérique n’aurait pas donné le même film. On a une succession de rencontres avec des gens qui reviennent. Il y a une empreinte très forte de ces moments-là. 

Apparaissent une vingtaine de personnes dont certaines deviennent Personnages Quel pacte documentaire avez-vous passé avec eux ?
Je me suis rendu compte que je filmais les gens qui m’avaient interpellé. J’ai tourné pendant deux ans et ceux qui sont au cœur du film sont venus à moi. J’ai fait du son seul, je venais régulièrement prendre mon petit déjeuner. Je filmais peu. Je me suis présenté aux gens qui se sont habitués à ma présence et c’était comme si j’avais rendez vous avec eux.  Ce restaurant est un espace de solitudes : seul ensemble, seul à plusieurs .Parfois une petite brèche s’ouvre. J’aime ce moment où Louise m’interpelle, me plaçant comme une personne dans le film. J’ai l’impression d’avoir fait partie de ce lieu avec ma caméra, de faire partie d’une ville.

Le film commence par l’éclipse solaire : celle d’avril 2024 ? Un autre repère temporel est les incendies de 2023 ou 2024 ?
Les incendies ont tendance à se reproduire de façon véhémente chaque année au Québec. La scène de l’éclipse précède le générique et a une nature un peu spéciale, symbolique. C’est un moment de communion, la promesse d’une journée flambant neuve. Le film est fait de petites histoires humaines mais il y a aussi le Monde qui entre dans le restaurant…

Le titre est aussi celui d’une chanson de l’album Astronomie du groupe Avec Pas D’Casque.
J’avais parlé de l’idée balbutiante du film à mes colocs et l’une d’entre elles m’a fait écouter cette chanson ; le titre plus que la chanson m’a marqué et a été une direction pour la fabrication du film. Je filmais tôt le matin et ce à quoi je tends, c’est la possibilité d’une journée flambant neuve : un moment entre la nuit et le jour qui n’a pas encore commencé. Un moment où on puise de l’énergie, où on se réajuste.

Vous pouvez nous parler du choix de la musique composée par Abéle Kildir et Cassandre Henry ?
Cassandre est une amie d’une de mes colocs. C’était super de travailler avec ces deux musiciennes. J’avais le désir d’une musique organique qui vienne raconter qu’autour de la nourriture, qu’autour de ces regards il se passait quelque chose de beau. Une sorte d’épiphanie dans la journée.

L’impression que j’ai ressentie en voyant ce film est à la fois une grande solitude et une grande chaleur humaine : c’est cela que vous ressentiez vous même ?
J’arrivais dans une ville que je ne connaissais pas, un moment de changement important dans ma vie. J’ai eu l’impression de trouver une sorte d’assise. Je me suis assis dans ce restaurant, j’ai fait un film en le fréquentant. Des sentiments que je reconnaissais et que j’ai eu envie d’explorer.

ENTRETIEN REALISE PAR A.G.

La journée qui s’en vient est flambant neuve, produit par le réalisateur et producteur Régis Sauder de la société de production marseillaise 529 Dragons a été sélectionné à Visions du réel et au Festival de Cinéma de Brive.

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