Fumée et lumière tamisée accueillent le public du Grand plateau de la Friche Belle de Mai. Dans Everybody-Knows-What-Tomorrow-Brings-And-We-All-Know-What-Happened-Yesterday, Mohamed Toukabri questionne ironiquement le spectateur sur ce qu’il comprend. Plus encore, il lui propose d’expérimenter sans comprendre. De l’anglais, du français et de l’arabe sont projetés derrière le danseur, des phrases qui se présentent elles-mêmes comme inutiles pour comprendre ce corps qui danse devant nous. La traduction est vue comme une perte de sens. Le mouvement devient une solution pour tout montrer, « pour raconter une histoire » qui semble intraduisible.
Pourtant, la danse est accusée d’avoir colonisée les corps. Mohamed Toukabri montre comment il va contre. Contre les mots et les choses. Contre les règles. Pris dans une chorégraphie torturée et répétitive, l’artiste tunisien et belge se transforme. Entre musique électronique dissonante et voix parlée, entre hip hop, classique et contemporain, il ne faut pas tenter de démêler les fils. Tout est lié dans une sorte de ronde infernale.
L’artiste prend plusieurs formes : d’homme rigidifié, sa danse va vers la douceur entre classique, break et voguing. Une douceur étrange lorsque l’artiste danse le visage emprisonné dans son tee-shirt. Il se transforme ensuite en créature féline. Nouvelle métamorphose. Mohamed Toukabri revient sur scène cagoule à paillettes et capuche sur la tête. Une veste aux épaules larges et il est comme une allégorie du hip-hop sur scène, appuyé par les voix de Krs One ou Disiz en arrière-fond. Et quand la fin arrive, on hésite avant d’applaudir, sans savoir si le spectacle est terminé. La voix en arrière fond avait prévenu : la performance est « un jeu » où le spectateur ne connaît pas les règles.
LOLA FAORO
Spectacle donné les 11 et 12 juin à la Friche la Belle de Mai, dans le cadre du Festival de Marseille.
À venir
Du 10 au 20 juillet
Les Hivernales, Avignon
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