Le film de la cinéaste portugaise Rita Azevedo Gomes était en Compétition Internationale au 36e FID Marseille
Il y a des films qui avancent comme des trains dans la nuit. Des films qui nous perdent. Des films qui nous laissent sur le bord de la route Et il y a des films qui nous embarquent, tel le dernier opus de Rita Azevedo Gomes, Fuck the polis, qui « vient d’un poème de João Miguel Fernandes Jorge que l’on entend à la fin du film, Rua Doménikos Theotokopoulos, qui se termine ainsi : « sur le mur, en noir – fuck the polis. » Un film qui aurait pu s’appeler A ciel ouvert, précise la réalisatrice.
Un film comme un voyage dans les îles grecques, dans le temps. D’abord, celui de la réalisatrice : en 2007, elle avait réalisé son rêve, voir la Grèce alors qu’on venait de lui annoncer que ses jours étaient comptés. Celui qu’elle refait en 2024 en compagnie de quatre garçons et une fille, qui l’aident à tourner le film partageant aussi paysages et lectures. Un film mosaïque où les histoires se croisent et se tissent : celle de la cinéaste mais aussi celle de l’héroïne de A Portuguesa, une nouvelle que son ami João Miguel Fernandes Jorge a écrite pour elle et qu’elle lit aux escales entre les îles. De Syros à Mykonos, puis Delos, l’île sacrée où elle poursuivait Apollon, la lumière et la beauté. On visite les vestiges d’un sanctuaire, l’on s’attarde devant les kouros …On assiste au ballet des camions qui embarquent, on hume l’air marin assis sur le pont ou accoudé au bastingage. Un film dont la matière même porte les traces de sa fabrication, mêlant images numériques HD, vidéo et super huit, extrait de film, telles les strates du temps, où les langues se mélangent…
Un film musical où des motifs reviennent comme un refrain : le café avec ses joueurs de pavli, les coquelicots rouge sang, les herbes folles jaune doré, le sillage du bateau, la mer et des chansons grecques, celles que chante Maria Farantouri dont la sublime « Ti oreia pou inéi agapi mou…qu’elle est belle ma bien aimée ! », inspirée du Cantique des Cantiques. Et soudain, comme une apparition : assise chez elle, la chanteuse à la voix de velours fait écouter un extrait d’Ithaki dont elle traduit les paroles à Rita et aux jeunes gens. Un moment très émouvant qui nous entraine dans nos propres souvenirs.
On sort de ce film, le cœur rempli d’allégresse avec un seul désir : refaire le voyage.
Annie Gava