En entrant dans le grand studio du BNM on découvre parcourant le plateau au sol des lignes assemblées de chaînes et objets métalliques, reliées à un tissu sur lequel est imprimé un visage effacé. Et Kiddows Kim, à mi-scène, dos au public, courbé en deux, vêtu de différentes couches de tissu qu’il maintient retroussées sur ses hanches pour exposer ses fesses nues et ses jambes glabres. En chantonnant, il va reculer pas à pas de façon lente et hésitante en ligne droite vers le public, jusqu’à le traverser, toujours à reculons, en grimpant sur les bancs jusqu’au dernier rang.
Spectre
Retour ensuite sur scène pour ingurgiter, accroupi, un liquide blanc, gratter des ongles un pantalon en semblant récolter quelque chose, qu’il met à sa bouche, régurgitant le tout sur le tissu. Dans la troisième séquence, il porte et rassemble avec beaucoup d’efforts les chaînes et objets métalliques reliées au portrait effacé, pour former une masse emmêlée qu’il arrive à suspendre à un crochet à l’avant-scène. Il se penche ensuite dessus, y enfouissant son visage pour hurler et produire des sons grimaçants avec sa voix, amplifiés et modifiés par des traitements sonores. Dans la dernière séquence, il enfile le pantalon souillé jusqu’à mi-cheville, et le visage figé et déformé par une grimace bouche grande ouverte, recule lentement pas à pas jusqu’à mi-scène, laissant deux lignes baveuses sur le sol. Puis va se recroqueviller derrière le public, près de la régie.
Un parcours cathartique, aux images fortes et étranges, parfois repoussantes, traversé de fragilités et de déterminations voire de rage, habité par une créature spectrale, animale, mais aussi, de façon troublante : humaine.
Papillons
Dans SpongeBabe, le plateau est recouvert de deux traînes de tissus blancs jusqu’à un lit XXL recouvert de nombreux coussins également blancs. Après être apparue allongée dans les tissus, s’être roulée dedans doucement jusqu’au lit, elle se dresse, visage clairsemé de strass brillants, enlève sa veste floquée au dos « SpongeBabe », pour apparaître vêtue de combinaisons en grosse résille, tissu sur la poitrine et à la taille, guêtres en mousse aux motifs de camouflage militaire, cheveux tirés en arrière par une très longue queue de cheval tressée.
Elle semble réagir à des signaux qui la font subitement changer d’état : s’écroulant en pleurs inarrêtables sur le lit, puis se prélassant et trouvant l’inspi en reliant des lettres écrites sur une tablette, elle se saisit d’un micro sans fil pour chanter « Papillons Papillons Papillons » ad libitum avec une voix autotunée.
Constatant deux taches humides sur le tissu recouvrant sa poitrine, se saisissant de deux biberons, elle fait mine de se tirer le lait sur un fond sonore rythmique de machine à traire, qu’elle accompagne ironiquement et laconiquement de mouvements de hanche mollement rebondissants. Puis dansant de façon stéréotypée en ondulant sans fin sur un fond lointain d’acclamations d’un public. La scène semble devenir une chambre-studio d’enregistrement mental, où SpongeBabe, seule, entre lenteur, répétition, abattements, se fraye un chemin entre des images et attitudes stéréotypées, pour tenter de s’accorder à elle-même.
MARC VOIRY
High gear de Kiddows Kim et SpongeBabe de Mercedes Dassy ont été présenté les 2 et 3 octobre au Ballet national de Marseille dans le cadre d’actoral.
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