Bruch, Beethoven : l’Insula orchestra et l’Académie Insula Camerata font résonner un romantisme allemand pluriel
Sur un programme soigneusement pensé, alternant œuvres rares et monumentales, Laurence Equilbey et l’Insula Orchestraont mis en lumière le dialogue entre classicisme et romantisme.
L’ouverture de Die Loreley de Max Bruch déploie une douceur organique, presque contemplative. Les traits brillants des vents et des cuivres alternent avec les élans chantants des cordes, installant l’atmosphère légendaire de la sirène du Rhin. S’ensuit, signé du même compositeur, Double concerto pour clarinette et alto, créé en 1912 et quelque peu oublié depuis. La pièce devient un dialogue fascinant : Pierre Génisson fait danser la clarinette avec un éclat généreux et expansif tandis que Miguel da Silva, plus retenu, impose une musicalité et une personnalité hors normes, capable de tenir tête à la monumentalité généreuse de son partenaire. L’intermezzo fluide révèle la complémentarité subtile des timbres, et le final flamboyant illustre le lyrisme maîtrisé de Bruch, oscillant entre intimité et éclat orchestral.
Avec la Symphonie n°5 de Beethoven, la lecture d’Equilbey souligne combien le « classique tardif » peut préfigurer le romantisme allemand. Les motifs frappants et l’énergie Sturm und Drang sont articulés avec précision, les timbres métalliques des cors et la brillance des cordes – le choix des instruments anciens se révèle ici plus que pertinent – créant une dramaturgie tendue mais maîtrisée. L’orchestre, historiquement informé dans les instruments comme dans la lecture, rappelle que le romantisme n’est pas monolithique : le classicisme de Beethoven se teinte ici d’une intensité expressive qui éclaire de nouvelles perspectives.
Le bis, la Danse hongroise n °5 de Brahms, révèle l’ivresse et la virtuosité de l’ensemble. La jeunesse de l’Académie Insula Camerata, doublant ici les pupitres comme c’était, à l’époque, l’usage, apporte une fraîcheur et une énergie communicative qui enrichissent la couleur sonore. La soirée devient alors un hommage au romantisme dans toute sa richesse : pré-moderne chez Bruch, flamboyant chez Brahms, intense et cohérent chez Beethoven.
SUZANNE CANESSA
Le concert a été joué le 30 septembre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence