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Le début du maintenant

Baro d’evel plonge le Grand Théâtre de Provence dans un volcan d’humanité et de poésie

Le plateau est une terre mouvante, qui modèle les êtres comme les identités. Des pans de décors s’effondrent, des ruines surgissent, la mer s’invite, puis le volcan gronde. La compagnie Baro d’evel nous entraîne dans un chaos poétique, créé à Avignon en 2024 et présenté au Grand Théâtre de Provence. Deux heures quinze de voyage, où l’on rit, où l’on tremble, où l’on se reconnaît – parfois aussi où l’on se perd.

Ils sont douze en scène, danseurs, musiciens, acrobates, comédiens. Les frontières s’effacent, les disciplines se mêlent. Un chant surgit, un corps tombe, une percussion éclate. La voix de Camille Decourtye sert de fil rouge ironique, narratif et même opératique au récit : et c’est bien dans sa belle énergie clownesque, capable d’incarner tout à la fois le sérieux du propos et la légèreté de la forme, que le spectacle trouve sa raison d’être et son identité. Car ici tout vacille, mais rien ne s’écroule vraiment : au cœur de cette matière instable, une humanité persiste, fragile et obstinée, incarnée un peu naïvement par le passage d’un enfant ou d’un petit canidé.

Montagne au pied d’argile

Baro d’evel poursuit la recherche amorcée dans Falaise, mais va plus loin : un théâtre se rêvant total, traversé par les arts visuels, le souffle de la musique et le burlesque d’une chorégraphie simple mais incarnée. Le travail sur la céramique mouvante de Sébastien de Groot s’impose comme une belle idée de cette tâche sur l’identité et du masque : il ne trouve cependant peut-être pas l’ampleur nécessaire pour renouveler le genre ou pousser plus loin la réflexion.

On admire l’ampleur du geste, tout en regrettant que certaines respirations manquent.

« Qui sommes-nous ? » demandent-ils. La réponse n’est pas donnée, mais éprouvée. Nous sommes ces corps qui fusionnent, s’opposent, tombent et se relèvent. Nous sommes ces voix qui s’élancent et chantent au milieu du fracas. Nous sommes cette communauté éphémère qui se rassemble face à la cruauté du monde. Et qui fait de ses errements et tâtonnements une force.

Dans la salle, les rires éclatent, les applaudissements se multiplient. La beauté naît de la collision, de la rugosité, de l’imprévu. Et l’on sort un peu étourdi par un beau final scandé avec entrain, en appelant à saisir « le début du maintenant ». Le spectacle se conclut ainsi joyeusement, sur une fanfare infinie à la sortie du Grand Théâtre. Ravi et rasséréné, le public nombreux tente quelques pas de danse sur le parvis, encore galvanisé par une expérience commune : celle d’avoir été, ensemble, au bord du gouffre, et d’y avoir malgré tout choisi la danse.

SUZANNE CANESSA

Qui Som ? a été joué du 25 au 27 septembre au Grand Théâtre de Provence

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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