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Alceste à l’épreuve du temps

Georges Lavaudant signe au Jeu de Paume (Aix) un Misanthrope hanté et mélancolique

Georges Lavaudant signe au Jeu de Paume (Aix) un Misanthrope hanté et mélancolique

L’Alceste d’Éric Elmosnino étonne. Il n’est ni statue morale, ni caricature grinçante : un homme à vif, mélancolique, qui voudrait encore croire à une certaine pureté du monde, autant qu’à la sienne. Sa colère n’est jamais tonitruante : plutôt rugueuse, sanglotante, presque lasse. Et c’est cette fatigue-là qui le rend véritablement humain. Georges Lavaudant met en scène les âges comme des lignes de force. Entre la maturité d’Alceste et d’Arsinoé – Astrid Bas, superbe d’austère fragilité – et l’énergie plus vive de Célimène, la tension n’est pas seulement sociale : elle est temporelle. Mélodie Richard ne joue pas les séductrices frivoles : elle est une Célimène lucide, affable, mais presque revenue de tout. Elle cisèle, observe, brosse les portraits des absents au vitriol, à la manière d’une moraliste.

De l’art de l’équilibre

La couleur vient de cette fausse coquette, romantique avant l’heure : de ses pas légers, de la garde-robe éclatante que révèle un pan de décor pivotant comme un secret. Les tissus chamarrés deviennent une extension de son esprit, de sa liberté. Alceste voudrait la retenir au bord du monde ; elle refuse d’être figée.

La troupe suit ce bal des nuances avec une belle précision. Seul un détail, presque anecdotique, trouble légèrement le tableau : le duo Éliante-Philinte. Anysia Mabe, superbe, mesurée mais généreuse, forme un couple scénique improbable avec François Marthouret, charmant mais assez âgé pour être son grand-père. L’écart, pure coïncidence sans doute, contredit la fine dialectique entre générations que le spectacle tisse ailleurs. Rien qui entame toutefois la cohérence d’ensemble, tant les interprètes défendent avec justesse la ligne claire du metteur en scène, et s’emparent de la langue avec une facilité et une simplicité déroutantes.

C’est peut-être là la belle réussite du spectacle : faire sentir combien Le Misanthrope parle encore de nos désirs contradictoires : vérité et masque, élan et sagesse. Une élégance rare.

SUZANNE CANESSA

Le spectacle est joué jusqu’au 29 novembre au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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