Au début des années 2000, la première trilogie de Peeping Tom bouleversait le paysage chorégraphique et théâtral émergent. Une danse théâtrale inconnue, loin de Pina Bausch, entrait dans les intimités familiales et les fantasmes noirs, nourrie de mythes et appuyée sur une danse virtuose. 25 ans après Gabriella Carrizo et Franck Chartier, le duo fondateur franco-italien, est toujours à la tête de la compagnie belge au nom subversif : un « peeping tom » est, en anglais, un voyeur. Institutionnel, international, porté par un succès public, le duo crée aujourd’hui plutôt séparément, et ces Chroniques sont portées par la chorégraphe italienne.
On y retrouve sa noirceur onirique, la beauté plastique, son amour des corps masculins. Les cinq danseurs hommes semblent retenus dans un espace atemporel peuplé de mythes plus ou moins identifiables : une Création du monde au Japon, Sisyphe qui roule son rocher, écrasé mais aussi écrasant les autres ; puis de gentils Ewoks et une sorte de Darth Vador qui jette des rayons mortels de ses mains.
Chercher la couleur
Mais tous se relèvent : la mort, pas plus que le temps, n’a cours, sur cette Olympe sombre où les dieux cherchent des remèdes à l’ennui dans la violence et la domination, une partie de foot avec une main coupée en guise de ballon, le déplacement d’inutiles rochers, le jeu avec des automates bizarroïdes qui exécutent des mouvements absurdes.
Vision d’une éternité qui ne serait ni infernale ni paradisiaque, Chroniques est d’une beauté crépusculaire, déclinant des espaces qui s’ouvrent et se ferment, s’éclairent et s’éteignent, se déploient en hauteur ou rasent le sol, les murs, les blocs. Le couple n’y existe pas – sauf une mariée qui se fait descendre – et les individus s’allient aléatoirement contre le dominant du moment, sans faire pour autant cause commune. Tout semble vain. Les danseurs, stupéfiants, sont des élastiques d’une infinie souplesse. Ils reçoivent les chocs qu’ils répercutent comme des ondes liquides sur chaque articulation, en des rotations hallucinantes d’amplitude.
Au terme du voyage ils abandonnent la scène aux automates qui répandent au sol, enfin, des traînées de couleur pure. Une sublimation artistique possible hors des limbes, par des créatures post-humaines ?
Agnès Freschel
Chroniques
21 et 22 novembre
Les Salins, scène nationale de Martigues
À venir
Pourquoi mon père ne m’a pas appris l’Arabe ?
Elle est née d’une mère française et d’un père marocain qu’elle n’a jamais connu. Qu’elle croyait mort, jusqu’à ce qu’il décède vraiment, et lui laisse sa maison en héritage.
Sarah Mordy s’est inspirée de son histoire personnelle pour écrire une fiction qui flirte avec le fantastique, interprétée par trois comédien·nes qui portent et éclairent les non-dits et les fantômes de la colonisation et de l’indépendance. A.F.
25 novembre
Les Salins, scène nationale de Martigues
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