Dans le hall du Zef, l’ambiance est à la fête. Des élèves du collège Édouard Manet voisin, accompagnés de leurs parents et professeurs, ont organisé un pique-nique. Tous ont hâte. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut assister à un concert avec un téléphone. Mieux, il est obligatoire de le laisser allumer dans la salle pour pouvoir intervenir en direct dans le concert proposé par l’ensemble C Barré, qui n’a jamais aussi bien porté son nom.
En résidence au Zef, la petite troupe de musiciens – Annelise Clément et Joël Versavaud, saxophone, clarinette et « pouétspouèts » en tout genre, Claudio Bettinelli, déchaîné aux percussions, Marine Rodallec au violoncelle et Charlotte Testu, contrebasse – sous la direction de l’élégant et facétieux Sébastien Boin, a concocté Musical Conversation with a bot, spectacle loufoque et désopilant qui tente, avec fantaisie, de répondre à la question suivante : sera-t-il bientôt possible de tout faire avec l’intelligence artificielle et en particulier composer de la musique ?
Léger en apparence
L’ensemble entame une partition d’Alexandros Markeas (présent dans la salle) dont le public peut modifier le cours selon ses envies, en fonction de réponses à des questions à choix multiples absurdes posées par une intelligence artificielle déjantée : Voulez-vous que le chef (1) ralentisse, (2) accélère ? Contrebasse ou violoncelle ? Saxophone ou clarinette ? Qu’est-ce qui vous fait danser ? Les spectateurs répondent en écrivant sur leurs smartphones. Leurs mots apparaissent sur écran géant… « l’amour, l’OM, Jul, Samira, la vie »… Les musiciens s’adaptent alors aux votes des spectateurs, selon les indications du Chat pour le meilleur… Ou pas.
Le spectacle est porté par une belle poésie se référant au monde animal « vaste orchestre qui grouille de musiciens, de chanteurs, de danseurs extraordinaires ». Si les oiseaux sont au cœur de la création, ils sont vite rejoints par des animaux plus insolites : tarentules qui dansent la tarentaise, cochons, bêbêtes « qui grognent, grommellent, qui graillent, croassent et couinent » sont aussi de la partie. On évoque aussi le chant des sirènes, ceux de ces créatures sublimes qui envoutèrent Ulysse mais aussi celles d’aujourd’hui, urbaines, associées à un bruit strident, mécanique, porteur de peur, de poursuites policières, d’urgences médicales et même signal de bombardements. Drôle de bout en bout, ce spectacle, léger seulement en apparence, déroule une partition exigeante et virtuose et un propos qui interroge sur l’avenir de la création.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Musical conversation with a bot a été donné le 5 décembre au Zef, Scène nationale de Marseille.
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