La création de ce ciné-concert de l’Orchestre national de jazz a eu les honneurs de La Criée grâce à la coproduction avec Marseille Concerts : un public plutôt adulte en soirée, plutôt enfant en matinée, a permis de (re)découvrir le chef d’œuvre d’animation de Roland Topor, La Planète sauvage (1973), une sorte de conte voltairien où les Oms sont les animaux domestiques de Draags très bleus et très grands, et désœuvrés. Un exemple de résistance à l’hégémonie grandissante de Disney dans ces années 1970, dont l’ONJ s’empare avec brio, fabriquant lui aussi un « jazz » non hégémonique qui reprend la bande son pop originale et triture son univers psychédélique de sons moins synthétiques, de créations instrumentales, de citations populaires…
Le spectacle est emmené par la jeune comédienne chanteuse Manon Xardel à l’abattage impressionnant, qui campe la conférencière timide, la présentatrice survoltée, la cinéphile passionnée. Elle éclaire au passage les enjeux esthétiques, philosophiques, historiques de cette histoire de géants à la peau bleue qui a directement inspiré aussi bien Miyazaki que les Avatars de James Cameron : la proposition sort nettement du cadre du ciné-concert, pour devenir un spectacle indisciplinaire et indiscipliné. Comme Topor !
Leçon synaptique
Au Conservatoire de Marseille la proposition L’Odyssée musicale du cerveau proposée par le Rolling String quartet revisite aussi les codes du concert : métissé d’une âme conférencière et d’esprit cabaret, le spectacle repose sur un texte porté par Amélia Donnier, dotée d’un vrai talent de comédienne et d’une magnifique voix jazz, et explore le fonctionnement de la musique sur le cerveau. Elle retrace cette odyssée sous l’angle anatomique, de la décomposition du son par la membrane basilaire jusqu’à leur impact émotionnel dans le système limbique, mais rappelle aussi des faits anthropologiques : seuls les humains savent battre des mains en rythme et chanter en chœur, toutes les civilisations humaines apaisent leurs bébés par des berceuses, qui se ressemblent, et accompagnent leurs cérémonies, leurs fêtes et leurs manifestations de musique…
Le quatuor, emmené par un premier violon (Steve Duong) virtuose et enthousiaste accompagne l’odyssée de sons frottés, de mélodies de timbres, de créations contemporaines qui jouent avec les rythmes et les mémoires musicales. Puis ils évoluent vers des musiques de notre répertoire commun, classique, jazz, brésilien, rock, qu’ils interprètent avec brio, et l’enthousiasme d’un public conquis par la musique, et le propos.
Agnès Freschel
La Planète sauvage a été créé à La Criée le 4 décembre. L’Odyssée musicale du cerveau a été joué au Conservatoire Pierre Barbizet les 5, 6 et 7 décembre
À venir
Tous en sons
7e édition
Jusqu’au 21 décembre
Marseille, Pertuis, Aix-en-Provence, Venelles
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