Peintre maudit, bohème, fou… que n’a-t-on pas déjà dit sur le célèbre peintre néerlandais. Mais s’attarder sur sa correspondance, au français et au style précis, n’est pas souvent chose faite dans les musées ou dans les ouvrages sur Vincent van Gogh. C’est oublier que c’est grâce à ses mots, à ses lettres, que le peintre a connu la célébrité à titre posthume, quand Johanna van Gogh – la femme de Theo, le frère – a mis en valeur son œuvre, en y accolant ses lettres. Dans celles-ci, il raconte ses pièces, sa vie, ses malheurs, ses errances, où l’on comprend que le petit peintre maudit était aussi et surtout un bourgeois bohème, quémandant de l’argent à son frère fortuné, persuadé que son art avait une valeur, quand tout le monde la lui refusait.
À Arles, la Fondation van Gogh, sous le commissariat de Jean de Loisy et Margaux Bonopera, a ressorti des boites cette correspondance, pour la faire revivre à travers les œuvres d’une vingtaine d’artistes modernes et contemporains, vivants ou morts. Installées dans treize pièces – comme les treize desserts – promis le folklore s’arrête là – l’ensemble est une puissante célébration de la création contemporaine, qui sait autant s’approcher que s’éloigner de l’héritage peintre néerlandais, dans un parcours au récit particulièrement bien tissé.


Letter to Paul Gauguin,
21 January 1889,
Arles
Musée Réattu, Arles
Sortir de la boite
Un bon récit commence toujours par une belle accroche. Que dire de celle présentée dans la première salle de la fondation, avec les œuvres grandioses d’Harold Ancart. Dans ces paysages bleutés, où l’on croit deviner les collines provençales, ou pyramides de verdure à la géométrie assurée, le peintre belge joue des clins d’œil avec le génie hollandais, comme dans Living Somewhere, où un arbre en fleur résonne avec ses amandiers. Plus loin il y a les sculptures de Hans Josephsohn, à l’empâtement proche du coup de pinceau du peintre, dont on peut découvrir Tête de femme, réalisé à Anvers en décembre 1885, une pièce peu connue mais qui signe déjà la patte hors norme de l’artiste.
Les allers et retours se poursuivent dans les prochaines salles, avec notamment les fusains d’Anselm Kiefer, qui a dans les années 1960 suivi les traces du maître jusqu’en Provence, où il a réalisé une série de portraits d’habitants de Fourques. D’autres portraits saisissants, ceux d’adolescents de Rineke Dikstra réalisé à la chambre et tiré à taille presque réelle. Van Gogh c’est aussi la lumière, que l’on retrouve dans les panneaux de verre d’Ann Veronica Janssens, dont les couleurs éclatantes changent selon l’endroit où l’on se place.
Dans chaque pièce, une citation extraite de la correspondance du peinte est mise en exergue. Mais si le lien avec van Gogh est parfois évident, là n’est pas le plus important dans cette exposition. Après tout, le peintre hollandais était un avant-gardiste, curieux du monde et hors cadre. La fondation arrive à insuffler ce même élan de liberté dans cette grande exposition à découvrir.
NICOLAS SANTUCCI
À Vincent : un conte d’hiver
Jusqu’au 21 avril 2026
Fondation van Gogh, Arles
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