La salle affichait complet – il a fallu rajouter des chaises – pour accueillir Ludmila Berlinskaya et Arthur Ancelle, « duo unique qui lie deux cultures, deux imaginaires dans un programme où la tradition française et l’âme russe se parlent et se répondent », s’enthousiasme Agnès Viottolo, présidente de la Société Marseillaise des Amis de Chopin, organisatrice du concert.
L’ouverture avec la Danse macabre de Saint-Saëns donne le ton. Loin de l’atmosphère funèbre que le titre suggére les deux pianistes insufflent à cette partition de 1874 une énergie festive. Sous les mains de Berlinskaya et Ancelle, une farandole musicale se déploie. Les accelerandos endiablés alternent avec des largos poignants. L’osmose entre les deux interprètes est parfaite : une note répond à l’autre dans une synchronisation métronomique. Lui cultive la retenue. Elle libère l’expressivité. Un équilibre parfait entre rigueur et lyrisme se crée.
Conte de fées, valse tragique
Les pianistes se rejoignent à un seul piano pour une incursion dans Ma mère l’Oye de Ravel, écrit en 1910 pour Mimi et Jean, les enfants du compositeur Cipa Godebski. Ravel n’avait pas d’enfants mais les adorait et cette tendresse transparaît dans chaque pièce de la Pavane de la Belle au bois dormant jusqu’au Jardin féerique où Berlinskaya déploie une virtuosité cristalline dans des montées et descentes vertigineuses.
Puis vient La Valse de Ravel, composée dans l’après-guerre, qui porte les stigmates d’un monde qui vacille. Ce qui devait être un hommage léger à la valse viennoise devient une vision apocalyptique. Les deux pianistes explorent toute la dramaturgie de la partition.
L’âme russe
Après l’entracte, place à la Russie. La Suite n° 1 de Rachmaninov offre quatre tableaux dont l’impressionnant Pâques, où résonnent un concert de cloches orthodoxes. La soirée réserve ensuite une découverte : Alexander Tsfasman, pionnier du jazz soviétique. Né en 1906, il fonde en 1926 le premier orchestre de jazz à Moscou et devient en 1945 le premier à interpréter en URSS la Rhapsody in Blue de Gershwin.
Le public, conquis, obtient deux bis. D’abord Toujours avec toi de Tsfasman, puis la Danza Gaya de Madeleine Dring, compositrice britannique (1923-1977) imprégnée d’influence jazz et de compositeurs comme Rachmaninov, Poulenc et Gershwin, choix qui boucle parfaitement la boucle de la soirée.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Le concert s’est déroulé le 13 décembre, salle Musicatreize, Marseille.
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