Zébuline. Vous avez annoncé le 10 décembre, par un communiqué de presse, que vous prenez votre retraite de directeur dès cet été, après le festival de Châteauvallon. Pour quelles raisons partez-vous ?
Charles Berling. Cela fait 15 ans que j’exerce ce métier de directeur. On a commencé avec mon frère Philippe, on a créé ce théâtre, et j’ai beaucoup donné pendant 15 ans. Beaucoup reçu aussi, mais je n’ai pas envie de faire des années de trop. J’ai envie de continuer mon métier d’artiste, mais aussi d’aller passer une semaine, avec des amis à regarder les nuits étoilées d’Espagne, ce que je n’ai pas eu le temps de faire depuis 15 ans.
Je crois que j’ai réussi à créer ici un lieu solide, avec une équipe remarquable, responsable, autonome, ce qui me donne une grande satisfaction. Je vais bien sûr préparer la prochaine saison, 2026/27, et j’espère que la nouvelle direction respectera l’équipe et saura s’appuyer sur elle comme j’ai pu le faire. Mais je pense que les institutions culturelles doivent se régénérer, que les directions doivent faire place à la jeunesse.
Dans votre communiqué vous remerciez Hubert Falco et la Ville de Toulon pour leur soutien. Est-ce que vos raisons de partir sont politiques ?
Ce théâtre, puis cette Scène nationale, sont nés de la volonté d’un maire de droite, dans une ville qu’elle a repris à l’extrême droite. Hubert Falco avait ses défauts, mais il voulait faire de cette ville sans théâtre une ville culturelle. Il pensait la préserver ainsi du retour du Front National.
Que vous redoutez ?
Évidemment, je milite contre le FN depuis que j’ai 14 ans. À Toulon.
Vous partez parce que vous craignez que le Rassemblement national ne conquière la ville ?
Non, ou pas directement. Je ne fuis pas, et je pars pour d’autres raisons, plus personnelles comme je vous l’ai dit, et générationnelles. Surtout, je pense que le Rassemblement National ne va pas gagner Toulon, je vais continuer à me battre pour que cela n’advienne pas, je suis là jusqu’en juin, et ma programmation s’étendra toute la saison suivante. Mais je pense que si cela advient, s’ils sont élus, à la Ville, puis au département du Var et à la Région, peut-être même à la tête de l’État, il faudra continuer à se battre, à programmer, à lutter contre les discriminations en expliquant, en donnant à voir, en parlant. Dans le public de la Scène nationale il y a des gens qui votent RN. Cet électorat est complexe, ses motivations sont complexes, passer le relais me permettra aussi de libérer ma parole.
Cette liberté de parole est entravée par vos fonctions ?
Forcément. Quand on dirige un établissement public, dans le contexte politique actuel, il faut protéger son institution, ses salariés, les artistes, le public. J’ai besoin aujourd’hui de reprendre ma liberté. C’est ainsi que j’ai nommé mon théâtre, j’y tiens par dessus tout, mais je resterai Toulonnais, et je serai ici pour chaque spectacle.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL




