Une exposition personnelle de Madison Bycroft au Panorama, une collective d’artistes belges aux 3e et 4e étages de la Tour et des artistes de la Belle de Mai à la salle des Machines. C’est à un triptyque aux couleurs justement dépareillées qu’invite la Friche pour ses expositions d’été. Un ensemble à découvrir jusqu’à l’automne.
Sont bons ces Belges
Principal temps fort du parcours, Tipping Point où une trentaine d’œuvres de dix artistes belges et deux artistes marseillaises ont été réunis par les curateurs Adrian Grimmeau et Grégory Thirion. Une exposition, co-produite par Botanique, l’Isep et Fraeme, dont le titrepeut se traduire par « instant critique » ou « point de bascule », et qui se décline en deux temps.
Au 3e étage, il y a d’abord le constat. Guerres, changement climatique, montée du fascisme, le monde vit une époque sombre, et c’est dans un espace aux lumières tamisées et fenêtres obstruées que le public est invité à découvrir les œuvres. Il y a cet ensemble de 101 sculptures d’argile, aux formes abstraites, posées sur des post-it et s’étalant sur un socle de 5 mètres de long signé Sabrina Montiel-Soto. Une œuvre d’art-chéologie en forme d’inventaire du monde où l’artiste donne forme à des mots, ou des images : « chien errant », « montagne », « pouce », « flèche ».
En face, une proposition plus directe de l’artiste d’origine syrienne Jonathan Sullam. Une grande photo d’un bombardement en Syrie est découpée et enroulée autour de néons qui s’allument et s’éteignent alternativement. L’ensemble est strié, mais se découvre facilement –on est peut-être habitué à voir de telles images…
Autre pièce marquante, Under Automata de la Liégeoise Eva L’Hoest. L’artiste propose un plan séquence filmé à bord d’un avion à l’aide d’un scanner, où l’on voit les passagersendormis. Les corps apparaissent figés, tels les pétrifiés de Pompéi, et l’ensemble place le public devant un spectacle perturbant, d’une humanité décharnée, voguant vers une destination certainement indésirable.
À l’étage, plus de sérénité, et plus de lumières. Les volets ont été entrouverts, l’espoir aussi. Une pièce au milieu demande même la participation du public. Un réceptacle en céramiqueaux allures de corail accueille une eau que les visiteurs sont invités à toucher. En plongeant sa main, un dispositif déclenche une composition sonore captée par des éco-acousticiens : « des voix de poissons, de mammifères marins et de mollusques ». Tous les sens sont mobilisés avec cette œuvre, même le toucher donc, bien trop rare dans une expo pour ne pas en profiter.. !
Il faudra voir aussi la série de Gérard Meurant Take_an_other_exit_of, des impressions UV sur couvertures de survie ; les huiles de Stephan Balleux qui viennent se confronter à l’intelligence artificielle (comme beaucoup d’œuvres du parcours) ; ou les 750 mini-masques africains sculptés par Anna Safiatou Touré artiste malienne résidant en Belgique, qui questionne avec ces répliques et variations de masques touristiques l’identité, le tourisme, la disparition…
Panorama météo
Au sommet de la Friche, Triangle-Astérides invite l’artiste plasticienne et vidéo australienne Madison Bycroft avec Les mensonges du météorologues. Une exposition qui décline et poursuit son travail débutait avec son film The Sauce of All Order tournée lors d’une résidence à la Villa Medicis. Une comédie-musicale projetée dans une immense taupinière au milieu de la scénographie, dont le personnage principal, Felix Culpa, cherche à rejoindre le cercle des augures, les prêtres de Rome qui interprétaient les présages.
Car si le titre parle ironiquement de mensonges et de météo, l’exposition s’intéresse justementaux augures, oracles et autres présages. Et puisqu’à Rome on lisait l’avenir dans le vol des oiseaux, la figure ornithologique est présente dans bien des œuvres produites. Des huiles sur toiles aux couleurs pastel intitulées Space off, représentant les sept oiseaux les plus importants de la divination romaine. Des sculptures – en céramique, papier mâché et résine – avec ses Monstrum, qui croisent l’être humain avec les oiseaux.
Dans toutes ses œuvres, l’artiste interroge le rapport au réel, au langage, et joue du hors cadre. Très souvent, des injonctions contradictoires sont présentes, il y a à la fois des graines pour attirer les oiseaux, mais aussi des objets pour les repousser ou les piéger. Une dualité et une profondeur qui irriguent l’ensemble de cette exposition qui embarque avec douceur le public dans les joyeuses folies ou les réflexions de l’artiste.

La Belle de Mai joue à domicile
Pour finir le triptyque, quatre artistes de la Belle de Mai proposent l’exposition Viens avec moi dans la galerie La salle des machines À découvrir, les portraits, à l’huile ou au fusain, de ce quartier réalisés par Frédéric Arcos ; dans le même esprit les gouaches de Nathalie Hugues qui vient saisir la beauté au détour d’une ruelle ; les Vénus gravées de Noémie Privat ; ou les immenses sculptures de Matthieu Herreman fabriquées à l’aide de pailles en plastique, qui deviennent parfois velours, parfois métal, selon comment on les regarde.
NICOLAS SANTUCCI
Viens avec moi
Jusqu’au 28 septembre
La salle des machines
Tipping Point
Jusqu’au 28 septembre
3e et 4e étages de La Tour
Les mensonges du météorologue
Jusqu’au 16 novembre
Panorama
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