mercredi 2 octobre 2024
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À l’ami qui nous a sauvé la vie 

Autour de la figure de Franz Kafka (1883-1924), Laurent Seksik dépeint le parcours de trois personnages qui ont partagé la vie de l’auteur, pour quelques années, quelques mois ou quelques instants

Les sorties, coup sur coup, depuis la rentrée littéraire de septembre, du Magicien (Colm Tóibin, Grasset), du Vingtième siècle (Aurélien Bellanger, Gallimard) et Franz Kafka ne veut pas mourir (Laurent Seksik, Gallimard), trois romans évoquant les parcours de Thomas Mann (1875-1955), Walter Benjamin (1892-1940) et Franz Kafka (1883-1924), nous interrogent sur la fascination de leurs biographes pour ces auteurs qui ont observé et subi la montée des périls en Europe. La question est d’autant plus légitime concernant Seksik, qui a déjà écrit sur Albert Einstein (1879-1955) et Stefan Zweig (1881-1942). 

Mis bout à bout, chacun de ces romans semble être la préquelle de l’autre, dans la mesure où nous retrouvons les mêmes personnages, tour à tour principaux ou secondaires, pris dans le même contexte, celui de l’entre-deux-guerres. 

Après Le Cas Eduard Einstein, Seksik mêle une fois encore la grande histoire et le tragique de vies façonnées par l’empreinte d’un géant. C’est moins la vie de Kafka qui nous est présentée ici mais son ombre portée sur celle d’Ottla, sa sœur, Dora, son épouse, et Robert Klopstock, son compagnon de sanatorium – la tuberculose étant le fil rouge des trois romans en question. Ces êtres verront leur vie bouleversée à jamais par cette rencontre, imposée par les lois de la biologie ou fruit du plus pur et du plus heureux hasard (l’amour, l’amitié). 

Tous les trois connaîtront les persécutions, de l’Allemagne nazie et de la Russie soviétique, l’exil à travers l’Europe, seront jugés trop Juif, trop Polonais, trop Allemand ou trop trotskiste. Par-delà sa mort, Kafka accompagnera leur existence, souvent dans le pire, parfois dans le meilleur, dans un monde qu’il avait prophétisé, notamment dans Le Château, L’Amérique et Le Procès – l’évocation de ce dernier, roman posthume édité par l’ami Max Brod, est l’occasion d’une scène savoureuse entre Dora et un agent du NKVD. 

« On pourrait faire de Kafka le personnage d’une légende… », disait Walter Benjamin. C’est à présent chose faite.

KÉVIN BERNARD

Franz Kafka ne veut pas mourir de Laurent Seksik
Gallimard, 21€50
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