mardi 30 avril 2024
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À l’ouest, peu de nouveau

« Dans le genre qui nous occupe le café est peu fait pour être bu. Il est davantage inventé pour occuper les femmes à l’écran, dont c’est l’une des fonctions essentielles de servir un café dont on ne peut imaginer qu’il soit buvable, vu qu’il recuit en permanence sur un coin de gazinière, matérialisant l’interminable et tiède patience des femmes de l’Ouest. » Le western, semble nous dire Maria Pourchet non sans rage et raillerie, n’est que le lieu de l’attente des femmes, propice à une confrontation oscillant entre rencontre amoureuse et duel larvé. Un « système qui doit toujours promettre la paix pour mieux la refuser », affirme-t-elle plus loin, confirmant l’impossibilité, aujourd’hui, de ce récit-là. Celui de la rencontre entre une quinquagénaire désabusée et un quadra, grand nom du théâtre en disgrâce, ne concevant l’amour que comme un assujettissement. La possibilité pour Aurore de comprendre, voire d’aimer cet Alexis semble pourtant vite compromise : elle en a vu d’autres, et ne semble que peu réceptive au numéro de ce comédien né, d’autant plus propice à séduire qu’il ne semble par comprendre grand-chose de lui-même, et encore moins des femmes qui auront le malheur de croiser son chemin.

Enthousiasme et déception

Car c’est finalement moins du côté du cinéma que de celui du théâtre que Western lorgne. Dans une langue riche et constamment en mouvement, Marie Pourchet se débarrasse peu à peu des oripeaux du sarcasme et de la charge sociétale, pourtant très bien vue, et sonde l’intériorité de ses personnages. Aurore aura beau passionner lecteurs et lectrices, c’est Alexis qui séduit jusqu’à l’autrice elle-même. Si l’acteur abandonne le rôle de Dom Juan à sa camarade de jeu, il n’est pourtant qu’une énième incarnation de son goût pour la passion fugace, la transgression, ici de classe, et finalement la révélation de sa bête conformité. Aussi réjouissant dans sa capacité à dépeindre la perversité de ses ressorts que décevant dans son désir de les absoudre, Western ne pourra à son tour qu’enthousiasmer puis décevoir. Dans la droite lignée d’une tradition douce-amère de happy ends insincères. 

SUZANNE CANESSA

Western, de Maria Pourchet
Stock - 20,90 €
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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