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AccueilCinémaAntoine Chevriollet et « La Pampa »

Antoine Chevriollet et « La Pampa »

Le réalisateur présentait son premier long métrage au cinéma Les Variétés (Marseille), avant sa sortie officielle le 5 février

« Sont sortis successivement sur les écrans des films sur la campagne qui ne la jugent pas et ne la prennent pas de haut : Le Royaume de Julien Colonna, Chien de la casse de J.-B. Durand, Vingt Dieux de Louise Courvoisier. Je suis né et j’ai grandi dans un village, à Longué-Jumelles, un village en Anjou… J’y retourne souvent. » Celui qui parle, c’est Antoine Chevriollet dont le film La Pampa sort en salles le 5 février. Film présenté en avant-première au cinéma Les Variétés, suivi d’une riche rencontre avec le public, habilement menée par Maeva Ngabou.

La Pampa, c’est l’histoire de Willy (Sayyid el Ayami) et Jojo (Amaury Foucher), deux ados inséparables, passant leur temps à chasser l’ennui dans un petit village au cœur de la France. Ils se sont fait une promesse : ils partiront bientôt pour la ville. Mais Jojo cache un secret. Et quand tout le village le découvre, les rêves et les familles des deux amis volent en éclat…

Un travail en équipe

Un scenario écrit à six mains avec Bérénice Bocquillon et Faïza Guene, présente à la rencontre. Antoine Chevriollet vient de la série ; il a réalisé plusieurs épisodes du Bureau des légendes ainsi que les saisons 2 et 3 de Baron noir.

« Je travaille toujours avec les mêmes personnes depuis une dizaine d’années C’est précieux ! Pour le son avec les frères Galpérine, j’ai travaillé différemment. Je ne leur ai pas fait lire le scenario, je leur ai raconté l’histoire et fait passer quelques images, puis des photos du tournage. Sacha Galpérine, m’envoyait des lignes de piano et au montage, on s’est retrouvé avec 80% de la musique du film… »

« Chacun a ses références, complète Faïza Guene, il faut trouver une langue commune. Ce sont les histoires d’Antoine. Je me suis intéressée à sa région. Quand Willy marche à travers champs, ou qu’il fait de la moto,  je voulais comprendre ce qu’il sentait, ce qu’était son ennui. C’est une histoire qui existe déjà et qu’on doit écrire ensemble sans la dénaturer. » Antoine précise que le tournage a eu lieu à 50 mètres de chez lui, et qu’il était important de sortir de la manière caricaturale de filmer les territoires ruraux.

Le sujet du film

« Le film est autobiographique à plein d’endroits. Mes parents n’avaient pas les moyens de me payer la pratique sportive qu’est le cross mais la maison où on habitait est à 5 kilomètres de la Pampa, qui existe depuis 30 ans. J’y allais en vélo et étais assez fasciné par le cross vu à travers le grillage. Ce qui m’intéressait, c’était les corps, ces hommes qui jouent ce rôle hyper “testo et muscu”, tous ces comportements offensifs. La moto, c’est une arène : c’est ce qui m’a permis de déconstruire tous ces rapports masculins offensifs. L’écriture du scenario a pris trois ans. Le film m’est venu par des sensations ; Il me fallait comprendre ce que voulait me dire le film, en comprendre les enjeux et les thématiques. Il faut se rappeler ce qu’on a vécu de ce moment-là, l’enfermement de l’adolescence, de ses joies et de ses douleurs. De ce moment capital pour l’adulte qu’on va devenir. Par exemple, on voulait raconter ce moment intense où tu choisis quelqu’un : l’importance de la loyauté, de l’amitié et la douleur si tu le perds. On ne peut oublier ce genre d’expérience. »

Incarner l’adolescence

« Deux choses étaient importantes : les dialogues et les trajectoires. Quand les rôles sont incarnés, les dialogues sont lus par les acteurs et actrices et les scènes sont répétées à Paris. Tout le monde se réapproprie les paroles et les situations. Avec la scripte, on sculpte la scène, on accepte ou pas les propositions. Toute la troupe est alors emmenée sur les décors et on répète à nouveau. On se rend compte que parfois, les attitudes, s’adosser à un mur, regarder intensément son pote, sont plus signifiantes que la ligne écrite au scenario. Tout devient réel. On a alors une version validée, stable qui nous permet des « sorties » au moment du tournage, du silence, par exemple. »

Les décors

« Ils étaient importants pour moi. Par exemple, l’hôpital : quand je vivais à Longué-Jumelles, il était encore en activité. Maintenant c’est le lieu où les ados se retrouvent. Quand je le montre pour la première fois, en plan large, complétement délabré, c’est une manière politique de montrer le délabrement et l’abandon médical de ce genre de région. On doit se déplacer à Angers à une cinquantaine de kilomètres. Les autres décors ont été tous retravaillés : par exemple, je voulais une moquette très bleue pour la chambre de Willy et des murs jaunes pétard, avec des contrastes pour les vêtements. Je sentais que le film allait être solaire et chaleureux. J’avais l’impression que ma classe et mon territoire, l’Anjou, étaient toujours représentés, sous prétexte de naturalisme, avec des crottes, sous un ciel bas et gris. Cela me dérangeait. On m’a dit, à Paris, que mes personnages étaient trop beaux et qu’il n’y avait pas des gens aussi beaux dans mon village, ce qui est hyper violent. On confond souvent le rapport au naturalisme et au réalisme. J’avais envie que ce soit un film d’une intelligence chaleureuse. Et on a eu à cœur d’être  juste y compris dans les costumes. »

Les hommes

« Les pères, mis à part Etienne (Mathieu Demy) qui peut représenter une alternative, sont défaillants. La figure masculine est problématique et éclairante sur la société. Abandon culturel de ces territoires. La critique du patriarcat est apparue dès le début du film. La question centrale de l’homophobie est une de ses plaies qu’on essaie de disséquer. Essayer de comprendre à partir des deux personnages principaux, des hommes en devenir, comment ça les impacte d’avoir ces modèles – là et comment ils sont capables de résister à cette transmission inévitable. La question des figures paternelles est compliquée dans ces territoires. Il faut accompagner. J’ai eu la chance de m’en extraire. Je suis un transfuge de territoire, pas un transfuge de classe ! Aucune étude sociologique n’a été faite sur l’homophobie en milieu rural. C’est un fléau : aucune visibilité et aucune action politique … »

Peut-être La Pampa, un film réussi, pourra-t-il faire douter, faire remettre en question certaines certitudes, et prendre conscience que la violence patriarcale peut tuer.

PROPOS RECUEILLIS ET MIS EN FORME PAR ANNIE GAVA

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