La danse a pour habitude de s’emparer des corps pour leur faire narrer un récit ; elle s’est plus rarement aventurée sur le chemin inverse. Soit interroger les corps sur les récits qui les ont accompagnés, qui les ont façonnés, et leur laisser libre cours sur scène. Ils sont quatre, ce soir-là, sur le plateau du Pavillon Noir : Arthur Bateau, cheveux courts et roses, craignant une fois sa trentaine actée les débuts d’une calvitie ; Mathis Laine Silas, à la tignasse blonde mi-longue savamment coiffée-décoiffée, à l’instar de cette jupe arborée comme un pantalon large ; Elisabeth Merle, exhibant son mètre cinquante-sept non sans rage rentrée, pour prouver « qu’elle en a » ; et Agathe Saurel, heureuse de « prendre de la place », par sa taille, tout d’abord, mais également ces cheveux crêpus qui auront attiré tant de répulsion ou de fascination. Chacun racontera, au fil de confessions dansées dans un mouvement commun continu, ces moments où le corps, et avec lui ce qu’il trahit de l’identité, et de sa condamnation par le collectif. L’humour est toujours de mise, même si les récits d’adolescence voyant l’un traité sans relâche de pédé, et l’autre de singe, font froid dans le dos. Mais rien ne semble heurter ce quatuor accompagné dans ce cheminement qui semble les mener vers un dénudement, mais les conduira à exulter sur un rythme toujours plus festif, sur une création musicale très inspirée concoctée par Benoît Martin. Les chorégraphies d’Arthur Perole ont décidément foi en la jeunesse : et cela en deviendrait presque contagieux !
SUZANNE CANESSA
Le spectacle a été donné les 9 et 10 novembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence