mercredi 2 octobre 2024
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Autoportrait à cœur battant 

Décédée à l’issue du tournage de Ma vie, ma gueule, Sophie Fillières a confié à ses enfants la tâche de finaliser son septième long-métrage. Une œuvre élégante, touchante, et poétique

C’est une mission posthume et une transmission, un dernier pied-de-nez à la camarde, une épitaphe espiègle, une ode au combat pour exister. Présenté à l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes, cet autoportrait d’une quinqua dépressive génialement incarnée par Agnès Jaoui (dans lequel se reconnaîtront beaucoup de femmes), s’est vu décerner le coup de cœur du  SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques).

« PIF », « PAF », « YOUKOU », titrent les trois chapitres qui structurent Ma vie, ma gueule. Trois lieux, trois tonalités et en note continue : l’autodérision, la poésie, le jeu sur les mots, l’instabilité des situations, les soliloques, les commentaires décalés et la quête obstinée de la protagoniste pour s’en sortir parce qu’ « elle n’est pas prête du tout à mourir ».

Agnès Jaoui alias Barberie Bichette, mal surnommée Barbie, publiciste de métier, poétesse du quotidien sera de tous les plans, pas toujours maquillée, négligée, portant le poids de son âge. Le prologue la saisit devant son écran, ses lunettes à la branche cassée incapable de choisir une police de caractère Word entre le sobre « Arial Hebrew » et l’anorexique « Andale Mono », pour écrire le titre du film.

Trois temps 

PIF : Bichette ne va pas bien. Elle vit seule après un divorce. Ses enfants s’éloignent d’elle. Son miroir ne lui renvoie pas vraiment l’image qu’elle aimerait. Elle s’en prend plein la gueule, la Bichette ! Elle a du mal à se blairer. On la suit dans ses habitudes et ses doutes qui butent contre le mutisme de son psy et les certitudes des autres. Comédie de l’absurde. L’incongru surgit dans le trivial. On se laisse surprendre par l’irruption de Philippe Katerine qui joue Philippe Katerine. On rit des décalages et des ruptures engendrées par le mal être du personnage. 

PAF : Bichette chancelle. Bichette s’effondre. Un ancien amour qu’elle confond avec la Grande Faucheuse la sauve de justesse. Et là voilà en clinique psy, appelant tout le monde Fanfan. Bouleversante, désarmante et toujours drôle dans sa frontalité et son regard déphasé sur le monde. 

YOUKOU ! : Bichette s’en va en guerre. Elle traverse la Manche et devient quelque part au nord de l’Ecosse, Lady Bichette. Propriétaire d’un mètre carré de terrain marqué d’un piquet bleu dans l’immensité verte, voisine de Philippe Katerine qui réapparaît, contre toute raison, au milieu de ce nulle part et lui compose une chanson, accompagné de son ukulélé. Bichette a survécu et le loup ne l’a pas dévorée ! 

« Point d’orgue d’une œuvre toute en dissonances et en pas de côté » selon Anne Villacèque, Ma vie, ma gueule a l’élégance du désespoir et la force de la poésie des petites choses, qui réactive à l’infini, le désir de continuer.

ÉLISE PADOVANI

Ma vie, ma gueule, de Sophie Fillières
En salles le 18 septembre

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