18 entretiens, assortis d’autant de linogravures, assemblés par Lou Nicollet et Ninon Bonzom. C’est la matière à un beau livre édité cette année à la Fanzinothèque de Poitiers puis aux Presses séparées de Marseille. L’une est artiste, l’autre paysagiste : elles ont répondu à un appel à projets pour réaliser des ateliers sur les femmes « exceptionnelles » du plateau de Millevaches. Il leur a semblé plus intéressant de les centrer sur des inconnues, rappelées à la mémoire de leurs descendants par un dispositif tout simple. Quelle est l’aïeule dont vous voulez parler ? Que vous a-t-elle transmis ? Quelles sont les émotions que, selon vous, elle a pu ressentir dans sa vie ? Une grille de quelques questions, un enregistrement sonore destiné, peut-être, à un podcast, pour finir par se transposer à l’écrit, des participants nombreux prêts à jouer le jeu, et voilà le résultat : Matrimoine sur un plateau.
Esprit de résistance
Les personnes venues livrer leurs souvenirs sont assez jeunes pour la plupart, en majorité des femmes, quelques hommes. Elles ont évoqué leur grand-mère ou autre figure ancestrale. « La texture de leur mémoire est très différente, certaines sont très précises, d’autres lacunaires. » 18 entretiens, c’est à la fois peu, et assez pour que se dessinent des leitmotivs. Le constat d’un passé souvent éprouvant : carcan du mariage dans les décennies conservatrices du XXe siècle, précarité économique, ravages de l’alcool… Mais aussi de l’admiration, pour une résistance chevillée au corps, des caractères forts. Sonia, ainsi, a hérité de son ascendante portugaise « une grande rudesse, et une espèce d’ironie ». L’idée d’en passer par un proche pour évoquer ces femmes est excellente ; se focaliser sur leurs émotions renforce la pertinence de la restitution. Une expérience qui sera, peut-être, amenée à se décliner ailleurs. « Pourquoi pas à Marseille ? »
GAËLLE CLOAREC
La rencontre avec Lou Nicollet pour présenter Matrimoine sur un plateau s'est tenue le 3 mai à la librairie L'Hydre à mille têtes, Marseille