Une chorégraphie endiablée, très sensuelle, où danseurs et danseuses en superbes costumes colorés s’étreignent, se repoussent alors qu’en fond de décor, sur de grands panneaux se succèdent des images de lieux pollués, d’incendies, de glaciers qui fondent, de terres assoiffées. Un spectacle de la compagnie de danse Sans frontières qui doit continuer jusqu’au bout malgré la blessure à la jambe d’Aida (Atef Ben Mahmoud) : son partenaire sur scène et dans la vie, Hedi (Sidi Larbi Cherkaoui) l’a fait tomber après qu’elle l’a provoqué. Mais Il est vital pour la troupe qu’elle donne son dernier spectacle à Marrakech le lendemain. Il faut donc trouver au plus vite un médecin. Or on est en plein cœur des montagnes de l’Atlas. Alors que le minibus essaie de gagner la ville la plus proche, un animal provoque une embardée : deux pneus crevés. Commence alors une errance à travers la forêt, celle des songes et des cauchemars où vont se révéler peu à peu les liens qui unissent les membres de la troupe, les tensions qui les séparent. Une errance chorégraphiée comme un ballet à travers des paysages qui prennent à la lueur de la lune les couleurs de la nuit puis de l’aurore. Des lieux oniriques comme dans certains films de Miyazaki. La caméra de Benjamin Rufi semble danser avec les personnages qu’elle suit à tour de rôle, nous livrant leurs espoirs, leurs secrets, leur envie de liberté, au son de la musique de la forêt. Le crissement des branches, le bruit du vent, les cris des bêtes, orchestrés par le compositeur Steve Shehan participent à l’envoûtement. « On voulait que ce soit un voyage initiatique » confie le couple de réalisateurs Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane.
Backstage, leur premier long métrage, a demande plus de sept ans de préparation et réunit acteurs, chorégraphes et danseurs, de différentes nationalités : tunisienne, marocaine, algérienne, palestinienne, chacun parlant dans sa propre langue. « Dès le début, il y avait ce parti pris d’universalité, précise Afef Ben Mahmoud.Notre film se fonde sur la danse contemporaine ; l’expression corporelle n’a pas de limite, n’a pas de pays, n’a pas de frontière. Nous voulions rester fidèles à cette idée que ce soit dans le choix des décors, dans cette camera qui continue à danser, dans les sons de la forêt. Cette forêt qui parle, on l’a conçue comme une symphonie dansante. »
ANNIE GAVA
Backstage, de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane