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Ballet national de Marseille : (LA) HORDE mène la danse

La publication de Danser l’image, le succès de Room with a view, le programme Roommates... Depuis New York où elle prépare une tournée du Ballet national de Marseille, (LA) HORDE a répondu à nos questions sur son actualité et les dates dans la région. Entretien

Zébuline. Vous publiez Danser l’image, un livre consacré aux costumes de scène du Ballet national de Marseille. Comment est né ce projet ?

(LA) HORDE. Danser l’image, édité par JBE Books, est un livre-archive, à la fois du passé et du futur. Nous avons  rebondi sur le catalogue de la grande exposition du Centre national du costume de scène (CNCS) consacrée aux costumes du Ballet national de Marseille, pour le transformer en livre qui mêle photos, entretiens et analyses. Comme le fait l’exposition du CNCS* à Moulins (Allier), l’ouvrage retrace les cinquante ans d’histoire du BNM au fil de ses collaborations avec des designers et des couturiers, de Keith Haring à Yves Saint-Laurent, en passant par Gianni Versace et aujourd’hui la styliste de Salomé Pouloudely avec laquelle on travaille pour les pièces de (LA) HORDE. A travers 150 pièces de costume et vêtement, on voit défiler les affirmations d’identités différentes dans une mise en parallèle entre les générations et l’histoire du Ballet. Il s’agit d’un patrimoine qui n’avait jamais été exposé ainsi à cause de problématiques juridiques. En plus des images des costumes, le livre propose des photos éditoriales réalisées par des photographes de renom comme Harley Weir. On y trouve aussi des entretiens avec des philosophes comme Emanuele Coccia avec qui (LA) HORDE discute de ce que le costume de scène dit de manière presque sociologique d’une institution comme le BNM. Les répétiteurs du Ballet ou sa costumière historique s’y expriment également. Cette dernière, par exemple, raconte ses anecdotes sur les costumes et comment elle les a conservés, archivés…

Pourra-t-on voir l’exposition à Marseille ?

C’est notre volonté. On est en train d’en discuter avec plusieurs partenaires.

Room with a view et le Ballet vont tourner aux États-Unis en novembre. Cette pièce connaît un succès considérable…

C’est une aventure incroyable. Depuis la reprise post-Covid, cette pièce ne cesse de voyager. Aujourd’hui, le Ballet national de Marseille, c’est plus de 80 représentations. Room with a view a parcouru toute l’Europe et la France et va donc jouer aux États-Unis la saison prochaine. On est obligés de refuser des dates parce qu’on n’a pas la capacité de répondre à toutes les invitations. A chaque fois, l’accueil est extraordinaire et nous procure beaucoup de plaisir et d’émotion. La pièce est même transmise à des compagnies de répertoire ainsi qu’à des jeunes générations. C’est notamment le cas avec la compagnie de Josette Baiz, pour des danseur·ses de 14 à 20 ans. Ou encore dans certains conservatoires de danse. C’est émouvant de voir que la pièce est devenue emblématique du BNM et qu’elle commence à circuler dans d’autres répertoires et dans le corps d’autres danseur·ses.

Après Room with a view, en 2021, vous avez conçu un programme composé de quatre pièces de quatre chorégraphes qui est joué aux Salins, à Martigues, le 28 février. De quoi s’agit-il ?

C’est le premier programme qu’on a composé pour le BNM. C’est un exercice plutôt classique dans un ballet mais qui, sous notre regard, on l’espère, ne l’est pas tant que ça. Nous avons voulu inviter quatre chorégraphes dont on admire le travail.  C’est un programme qui croise les générations, les écritures et les esthétiques. L’ensemble des pièces donne une certaine vision de la danse quand on les regarde l’une après l’autre. On passe de l’Américaine Lucinda Childs, maîtresse de la danse post-moderne au travail de la Portugaise Tânia Carvalho qui vient déconstruire une certaine forme balletique et ancrer, à sa manière, le programme dans quelque chose de plus contemporain. Après l’entracte, on arrive sur la pièce de Lasseindra Ninja, une collaboratrice de longue date. Artiste trans, afro-américaine et française, c’est une « mother », elle vient de l’univers du voguing qu’elle a amené en France. Elle a travaillé avec les danseur·ses du BNM pour signer cette création qui évoque la culture du voguing mais n’est pas interprétée par des personnes de cette communauté. C’était important pour nous de lui donner les pleins pouvoirs et les clés d’une compagnie permanente qu’est le BNM. En dernière partie, on a proposé à l’Irlandaise Oona Doherty de travailler autour de son solo mythique Lazarus (titre complet : Hope Hunt and the Ascension into Lazarus, ndlr) et de le transmettre, reconstruire, réécrire pour les vingt danseur·ses du Ballet. C’est une réflexion sur la masculinité toxique et tout ce que la chorégraphe a observé dans les bars à Belfast. Le programme n’est pas binaire. Il est à multi-entrées et vient dire que la danse, c’est tout ça.

Marseille. 31 mars 2021. Theatre de La Criée. Representation du Ballet national de Marseille x (LA)HORDE x Childs, Carvalho, Lasseindra et Doherty.

Roomates est votre deuxième programme, que l’on retrouve en avril à Marseille et à Istres…

Il est de plus petites formes puisqu’il se compose de six pièces courtes et qu’il y a au maximum huit danseur·ses sur scène (onze pour l’une d’entre elles). Les chorégraphes invité·es sont nos « roommates » idéaux, c’est-à-dire les artistes qu’on aimerait avoir comme colocataires au Ballet. Cela va de Peeping Tom, à François Chaignaud en passant par Cecilia Bengolea, Brumachon/Lamarche… Ces derniers reprennent un duo créé dans les années 80, dans le contexte du sida, sur l’amour entre deux garçons, qui a été important dans notre histoire de spectateurs. Le programme se termine par un medley d’extraits de Room with a view. Roomates offre un voyage, un parcours, dans des univers très différents, toujours engagés. Il y autant des créations que des re-créations. Un fil conducteur s’est créé malgré nous : le désir. Ce qui est passionnant avec ce programme et le précédent est de voir l’évolution des interprètes que l’on voit traverser l’ensemble des propositions.

En vous retournant sur vos premières années à la direction du BNM, quel état des lieux en dresseriez-vous ?

La compagnie est reconstruite avec des individualités qui représentent notre société. Elle dispose d’un répertoire reconstitué, d’un groupe recomposé et d’une visibilité de son histoire extraordinaire avec des tournées qui foisonnent.  Le plaisir dans le travail est notre moteur et notre « mojo » dans cette folle aventure. Ce premier mandat nous a permis de comprendre que Marseille est une ville où l’on se sent bien pour grandir et s’épanouir dans le projet.

Spontanément, quels sont vos prochains objectifs ?

Réussir à jouer davantage à Marseille et faire en sorte que la danse trouve une visibilité plus grande dans sa ville. Que le Ballet national de Marseille revienne de manière plus simple aux Marseillais et aux Marseillaises.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

*Exposition visible jusqu’au 30 avril

À venir
Roommates
7 avril
Le Zef, Marseille
11 avril
Théâtre de l’Olivier, Istres

Room with a view
24 mai 
Anthéa, Antibes
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