La meilleure mère du monde
Une femme vient porter plainte pour violences domestiques. C’est Gal (Shirley Cruz), une éboueuse, que son mari, Leandro (Seu Jorge ) qui boit bat régulièrement. Son visage est marqué par les coups ; son regard est intense. Elle décide de s’échapper avec ses deux enfants les embarquant dans sa charrette de recyclage pour une « grande aventure », le seul moyen de les protéger d’un réel plus que difficile. Tel un buffle, elle tire sa carriole à travers les rues de Sao Paulo : il lui faut trouver des endroits pour dormir, de quoi manger, tenter de faire quelques travaux pour survivre. Sa route croise celle de Munda, « une femme libre » qui lui propose un squat. Mais Gal a un but ; aller chez son cousin et, puissante, tenace, elle continue de tirer sa charrette où trônent, tels des princes, son fils ; Benin, ravi d’avoir croisé la route du cheval, Biro- Biro et sa fille, Rihanna qui a parfois envie de rentrer à la maison. Mais les enfants sont heureux de vivre cette aventure car Gal a le pouvoir de ré enchanter le monde comme le père dans La Vie est belle de Benigni. Une fontaine publique devient un endroit où on se lave, certes, mais aussi où se baigne, s’éclabousse en riant ; une des plus belles séquences du film d’Anna Muylaert, A Melhor Mãe do Mundo (The Best Mother in the World), un film qui témoigne de la violence que subissent les femmes mais aussi de la puissance de celles qui la refusent et arrivent comme Gal à gagner leur liberté. La meilleure mère du monde. Car pour Anna Muylaert, « La mère est la figure la plus importante de la société .Si une mère est battue par son mari, son fils battra sa femme, ou sa fille pensera que c’est normal d’être battue par son mari aussi. C’est un cycle de violence qui dure toute la vie. » . Shirley Cruz incarne brillamment cette femme forte qui se bat, pleine d’imagination et d’espoir en la vie.
The Best Mother in the World de la réalisatrice brésilienne qu’on avait découverte en 2015 avec The Second Mother était présenté dans la section Berlinale spécial
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On ne nait pas mère : on le devient …ou pas
Un couple riant aux éclats et hurlant dans un manège qui tourne à toute allure…Un symbole de leur vie future. Elle c’est Julia, une cheffe d’orchestre reconnue, lui c’est Georg ( Hans Löw).° Ils n’arrivent pas à avoir d’enfant et vont consulter le Dr Vilfort, spécialiste de la fertilité dans une clinique privée. Julia se retrouve enceinte et se prépare à devenir mère mais rien ne se déroule comme prévu. L’accouchement se passe très mal ; la caméra le filme longuement, s’attardant sur le visage en souffrance de la parturiente et, en un travelling circulaire, sur les’ infirmières rassemblées autour de la sage-femme Gerlinde (Julia Franz Richter) qui vont l’aider à mettre au monde ce bébé. Un bébé qu’on n’entend pas crier et qui est emmené immédiatement par l’inquiétant Dr Vilfort (Claes Bang) Après une longue attente, on annonce à Julia et Georg que le bébé va bien. Pour Julia, ce bébé à qui elle ne donne pas de nom, qu’elle a du mal à allaiter, est un étranger, un bébé aux drôles d’yeux, trop calme. Elle essaie de le faire réagir par de la musique très forte, jouant du violon tout près ou le pinçant pour le faire crier « Il ne pleure pas, ne ressent aucune douleur et n’a jamais faim.-. Tu préfèrerais un bébé qui crie ? lui rétorque Georges. Tu voulais un enfant ? – Pas celui-là ! » Commence à germer chez elle l’idée que ce bébé n’est pas le sien, qu’il a été échangé. « Tout va bien » lui répète, comme un mantra, son entourage ainsi que Dr Vilfort qu’elle va consulter à plusieurs reprises .Il lui offre un axolotl, une sorte de salamandre qui semble le fasciner. Tout comme le narrateur de la nouvelle de Cortazar, Axolotls. Le doute s’insinue de plus en plus chez Julia : ce bébé qui n’est pas le sien n’a-t-il pas été conçu dans une éprouvette. Non ! Tout ne va pas bien !
Le film de la réalisatrice autrichienne Johanna Moder, Mother’s baby, construit comme un thriller psychologique, met en avant les difficultés à devenir mère et la dépression post partum qui n’est pas toujours reconnue. Le spectateur est emporté dans le monde de Julia grâce au jeu parfait de Marie Leuenberger «Mother’s baby est pour moi un film très personnel. Précise la réalisatrice C’est une sorte de règlement de comptes, même si je ne sais pas avec qui ni quoi. Le bonheur promis ne se concrétise pas avec la naissance de l’enfant. C’est plutôt le début d’un mauvais rêve. Rien n’est comme avant. Et ce qui était, inexorablement, fond et ne peut plus être retenu. »
Mother’s baby qui tient le spectateur en haleine jusqu’au bout était en compétition à la 75é Berlinale
Annie Gava