Zébuline : Comment définiriez-vous les écritures du réel ?
Laura Falzon : Ce sont des écritures qui partent des gens, de récits de soi et d’histoires vécues. Elles naissent d’une volonté de questionner l’état de nos sociétés et l’ordre du monde, et engagent la vision d’un artiste, d’un auteur ou d’un chercheur qui pose sur le monde un regard sensible et poétique mêlé de politique.
Comment ont été pensées les trois grandes traversées autour desquelles s’articulent la programmation ?
Les traversées, c’est vraiment un fil rouge, une dialectique, une entrée possible dans la programmation. Elles sont conçues pour dérouler un chemin, de la première « Se dire » à la dernière « Faire nous ». L’idéeest d’entrer dans la programmation par le récit de soi, qui est la matière initiale des écritures du réel. Cette première traversée propose surtout des solos intimes, des histoires vécues qui questionnent la manière dont advient la construction de soi au sein du corps social et de la société.
La deuxième, « Renverser », élargit la focale pour venir interroger des enjeux plus globaux, politiques, sociétaux, contemporains. Ce mot évoque à la fois l’affrontement, le détournement, le changement de perspective pour comprendre et parfois détricoter les systèmes qui régissent nos sociétés. Le croisement art-science est très présent sur cette traversée-là, avec des rencontres, des conférences, des formes hybrides, qui vont inviter à croiser les regards d’artistes et de chercheurs et chercheuses.
La troisième traversée est une tentative de dépassement par le « nous ». Il s’agit de questionner la manière de faire du collectif à l’heure des individualités reines, un appel à l’action collective. Cette troisième traversée est marquée par des créations partagées, des scènes ouvertes, des journées immersives. L’idée est d’inviter chacun à ajouter sa pierre à l’édifice.
Il y a plusieurs « journées festives et partagées » dans cette édition. En quoi consistent-elles ?
Nous voulons amener des programmations pluridisciplinaires dans des lieux non dédiés, vers des territoires qui, très souvent, en restent éloignés. On sera toute une journée dans les quartiers Nord de Marseille, avec une programmation plurielle qui mêlera à la fois des pratiques non professionnelles avec une scène ouverte, par exemple, et puis les spectacles professionnels. On partagera aussi un goûter préparé par les habitants et encadré par l’association du Bouillon de Noailles. C’est une autre manière de tisser des programmations. On expérimente aussi pour la première fois des programmations partagées, avec Cap à l’Est. On a proposé à des complices, qui suivent l’activité du théâtre et de la biennale depuis un moment, de choisir une programmation et de participer à l’organisation d’une journée.
ENTRETIEN REALISE PAR CHLOE MACAIRE
7e Biennale des Ecritures du réel
Du 20 mars au 25 mai
Divers lieux, Marseille
theatrelacite.com
Trois programmes
La biennale s’ouvrira le 20 mars au Théâtre Joliette avec Portraits sans paysage, fruit d’une enquête menées par les acteur.ice.s du Nimis Groupe sur la question des camps de réfugiés dans le monde. Cette première soirée, organisée en partenariat avec SOS Méditerranée, initiera une réflexion autour des migrations à laquelle participeront d’autres spectacles de la première traversée, comme Tijuana (22 et 23 mars) de la compagnie mexicaine Lagartijas tiradas al sol, ou encore Pirates (27 mars), lecture performée de Mohamed Bouadla, Manon Davis et Luanda Siqueira. Aura également lieu une projection du film Leur Algérie de Lina Soualem à La Baleine le 28 mars.
« Se dire » abordera aussi la condition des ouvriers dans les usines avec A la ligne (22 et 23 mars), mis en scène par le responsable artistique du Théâtre de la Cité Michel André, et proposera des étapes de création de Macc(h)abées de Sophie Warnant (23 mars) et de SurMoi de Iraki (le 29 mars).
Le 26 mars aura lieu la première soirée de la traversée « Renverser » avec La visite curieuse et secrète de David Wahl, qui sera suivie d’une rencontre entre l’artiste et la navigatrice Capucine Trochet. C.M.