Zébuline. La programmation de Bright Generations – Générations Lumineuses est impressionnante. Autant les spectacles annoncés [lire ci-après] que les rencontres professionnelles, ateliers, temps conviviaux…
Émilie Robert. 50 pays sont représentés ! Nous sortons du prisme européen. La question des droits culturels de l’enfant, dont l’Assitej [voir encadré] se préoccupe autant que des questions artistiques, est extrêmement bien partagée à travers la planète. Même s’ils se défendent de manière différente selon les pays. Nous en avons été témoins l’an dernier à Cuba, lors du congrès mondial. Là-bas, l’accès à la culture est incroyablement bien intégré ; c’est plus fragile sur les questions de liberté d’expression. En France, il n’y a pas de censure politique directe, mais si l’on comparait les deux situations, c’est comme si l’EAC [Éducation artistique et culturelle, dispositif mis en place progressivement par le gouvernement français depuis 2022, ndlr] était généralisée depuis des décennies.

Il reste beaucoup à faire pour que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant soit respectée, c’est une bonne chose que les acteurs du spectacle vivant s’en emparent !
Cet axe s’est beaucoup développé depuis la pandémie. En 2020, l’Assitej a publié un Manifeste qui interpelle les décideurs politiques, institutions artistiques, médias, parents, etc., sur les endroits où il est de leur responsabilité d’agir pour garantir l’accès à la culture des mineurs, « même et surtout en temps de crise ». Des projets de recherche se sont aussi mis en place pour imaginer comment inclure les enfants dans la gouvernance des structures culturelles.
Il n’y a pas d’équivalent d’une telle collaboration à cette échelle internationale dans le spectacle vivant « adulte », pourquoi ?
En effet, dans ce secteur les collaborations se font plutôt à l’échelle européenne. Cela vient d’une culture très militante des structures jeunesse. Il ne s’agit pas seulement de rassembler des gens qui font le même métier : elles sont engagées pour leur public. Cela actionne tout de suite de la curiosité, une exigence d’équité, des préoccupations éthiques. Œuvrer pour ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin, cela élargit naturellement la démarche, on tend à inclure bien plus, on fait en sorte que tout le monde profite de ce que l’on invente, qu’il s’agisse d’inspiration mutuelle, d’appui, d’hybridation entre projets…
Pourquoi Marseille a-t-elle été choisie ?
Pour la place qu’occupe sa jeunesse, la densité de cette part de la population dans cette ville. Et son ouverture sur la Méditerranée, le monde, bien-sûr. Par ailleurs, l’idée était de ne pas centrer l’événement sur Paris, où la scène destinée au jeune public a relativement peu de moyens. À part la programmation jeunesse du Théâtre de la Ville, et quelques autres initiatives, il n’y a pas dans la capitale, comme à Marseille, de réelle vitalité des propositions. Qui s’appuie, ici, sur une capacité à travailler en collectif, avec plusieurs acteurs du territoire, à l’occasion du festival En Ribambelles ! par exemple.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR GAËLLE CLOAREC
Bright Generations - Générations Lumineuses
Du 23 au 29 mars
Marseille, divers lieux
Qu'est-ce que l'Assitej?
L'Association internationale du théâtre pour l'enfance et de la jeunesse réunit des théâtres, des organisations et des artistes du monde entier autour des arts du spectacle pour les enfants. Elle est née à Paris en 1965, avec la conviction que pour mieux défendre leur accès à la culture, il fallait dialoguer. Y compris entre l'Est et l'Ouest, en pleine guerre froide, un message d'espoir qui gagne à être connu et repris aujourd'hui, alors que les tensions géopolitiques s'aggravent de toutes parts... La rencontre Bright Generations - Générations Lumineuses est l'occasion de célébrer le soixantième anniversaire de cette ONG. Sa branche française, Scènes d’enfance – ASSITEJ France, créée quant à elle en 2015, co-porte l'événement avec le Théâtre Massalia, scène conventionnée d’intérêt national « Art, Enfance, Jeunesse » de la Friche la Belle de Mai. Marseille accueille ainsi, non seulement la crème artistique de la création mondiale destinée aux jeunes générations, mais aussi l'élan et les attentes qui leur sont propres. G.C.
A l’occasion de Bright générations, les théâtres de Marseille se mettent en six pour accueillir dix-neuf spectacles. Tour d’horizon
Six au Massalia

Dans Filles et soie Séverine Coulon s’attaque aux stéréotypes féminins de Blanche Neige, La Petite Sirène et Peau d’âne. Un diktat de l’apparence qui enferme les filles dans un cocon de soie qui les étouffe… Un spectacle adapté des Trois Contes de Louise Duneton, et joué parallèlement en français et en langue des signes (LSF).
The Way Back, spectacle de marionnettes taïwanais, explore les dégâts de la guerre et de la séparation à travers l’allégorie d’une main droite en quête de son corps, et de sa main gauche. L’histoire de Taïwan ?
Dans Penguin Hamzeh Al Hussien raconte son voyage depuis les montagnes syriennes jusqu’en Angleterre, en passant par un camp de réfugiés jordanien. Avec, partout, le sentiment de sa propre étrangeté, comme un pingouin décalé mais fier !
La fabuleuse histoire de BasarKus, duo entre Basile danseur et Markus, circassien, est un trait d’union qui affirme l’existence d’une forme hybride née du rapprochement de la danse contact et des portés acrobatiques… tandis que Up and Away s’adresse aux plus de trois mois qui ne marchent pas mais partagent des moments de lumières et de sons, de contact et de douceur avec Amy et Hannah.
Qant à ceux qui marchent, ils pourront aller voir Scoooootch ! dès 2 ans : un spectacle de rock féministe qui a pour vedette le fameux ruban adhésif. Ou Keep it safe, dès 6 ans, en espace public, où des danseur·euse·s vêtu·e·s de gilets jaunes organisent un inutile chaos, et nous y entraînent… .
Trois à la Criée

Le Centre dramatique national accueille trois spectacles pour tous les stades de l’enfance.
Dès trois ans, Dehors, un spectacle musical et magique du duo Braz Bazar, formé des percussionnistes Jérémy Abt et Bastian Pfefferli, mis en scène par Claire Heggen. Un spectacle visuel tout autant que musical, mais où tout naît du son des objets percutés.
Dès sept ans un spectacle plus grave, de la compagnie brésilienne Pandorga, spécialiste de l’enfance : Louise / Os Ursos de Karine Serres raconte l’histoire d’une petite fille qui voit des ours transparents qui suivent et accompagnent les humains. Est-elle clairvoyante, est-elle défaillante, et comment réagir face à ces visions ?
A partir de 9 ans, le spectacle d’Anne Nozière, qui sera joué deux fois dans la grande salle. Oiseau met en scène un thème peu présent dans le spectacle jeune public, et pourtant fondateur de nos contes. Comment les enfants vivent-ils la mort d’un proche, d’un parent, d’un être aimé ? Dans Oiseau, c’est toute une école élémentaire qui va rejoindre « l’autre côté » où le père de Mustafa, le chien de Pamela, ont disparu… Une quête qui va leur permettre de mettre des mots sur leur perte, et de refuser l’oubli.
Deux à la Joliette
Au Théâtre Joliette les spectacles s’adressent aux ados, à leurs rêves et à leurs révoltes. Puissant·es (Cie 3637)suit l’équipée nocturne de trois d’entre iels, Mael, Kadija et Sonik, des colleur·euse·s en colère qui déroulent sur les murs leurs slogans : des phrases qui dénoncent la domination des « mecs », des adultes, exercée sur leurs corps et leurs rêves. A partir de 14 ans.
Les ados un peu plus jeunes, à partir de 12 ans, pourront voir #Génération(s) de la compagnie le Cri dévot. Un spectacle écrit avec des paroles d’ados du monde entier, découvertes par un cosmonaute qui voyage dans l’espace et le temps, et restiti=uées dans un cube de lumièe qui permet des apparitions.
Deux aux Bernardines
La chapelle intime accueille deux créations françaises de théâtre d’objet. Star show, de la cie Bakélite, dans laquelle les voyages dans l’espace ne sont plus réservées à l’élite économique, mais sont enfin accessibles au commun des mortels. Un voyage bricolé avec des matériaux de récupération… mais par un technicien doué. Comment vont-ils y arriver et surtout que vont-ils y découvrir ?
Un brocoli, une bouteille, un torchon… sont posés sur une table. Créés par Les becs verseurs avec Marina Le Guennec, les 10 objets sont les personnages principaux de l’histoire et racontent leurs aventures.
Trois au Zef

La scène nationale accueille des performances locales et internationales. Harold : the Game, fait revivre la bataille d’Hastings avec Guillaume Le Conquérant. Au milieu du plateau, là où est l’arène, les joueurs s’affrontent dans la terre avec de grands mouvements pittoresques, dignes d’une bataille ancestrale.
Brights Generations vise à sensibiliser les plus jeunes : ici, Pedro Saraiva initie aux questions environnementales. Dans le conte écologique portugais O Grande Lago, il sera question d’ours polaires qui perdent leur maison à cause du réchauffement climatique, et de pollution des mers.
La fille qui chante et la fille sur le toit, est une production camerounaise créée par Jeannette Mogoun, adaptée du texte de Luc Tartar En découdre. Entre musique, poésie et théâtre, on suit l’histoire d’une jeune fille atteinte de schizophrénie, qui use de sa force pour affronter ses démons et ceux des autres, avec la volonté de déconstruire les idées préconçues sur sa maladie.
Deux au Klap
Les artistes nigérien·ne·s de Kininso Koncepts explorent le potentiel spectaculaire des éléments naturels. Sandscape renoue avec le bac à sable enfantin, et la magie de cette matière solide qui coule entre les doigts. Mis en scène par Joshua Alabi, ce spectacle sans paroles mélange le sable avec de l’eau, le manie compact ou chauffé par le soleil, garde l’empreinte des pas qui s’ancrent au-dedans.
Le petit chaperon rouge, œuvre classique édulcorée les frères Grimm, Perrault et Disney est retravaillée par Sylvain Huc, dans sa violence sexuelle et politique. Un retour vers la tradition orale du conte, où les corps se désirent , se mangent, se trompent et se libèrent aussi, en grandissant.
LILLI BERTON FOUCHET et AGNÈS FRESCHEL
Bright generations – Générations lumineuses
Du 23 au 29 mars
Marseille
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