C’est dans la pénombre d’une vaste chambre en bois que la narratrice de cette version du Petit Poucet accueille le jeune public sur le plateau du Zef, ce mercredi 12 décembre. À l’intérieur, des lits superposés, faiblement éclairés par une unique ampoule, où les enfants sont invités à prendre place. « Allez, couchez-vous les enfants ! Dormez ! » enjoint la conteuse, mettant d’emblée le public en condition. Chacun·e s’approprie son espace, les plus jeunes pelotonnés contre leur accompagnant·e et l’on ferme les yeux car le voyage proposé est principalement d’ordre sonore. Le conte, traditionnellement lu avant de s’endormir, permet de lâcher-prise tandis que le lit invite à l’intériorité : être avec les autres certes, mais dans sa bulle.
Tempête sonore
Assise sur un tabouret au centre de la chambre, un énorme livre sur les genoux, la comédienne conte les aventures de Buchettino, la version transalpine du conte de Perrault. Sous les couvertures, les rires font place au silence et à la concentration car à mesure que le récit avance, les sons évoqués prennent vie. Comme dans une ghost house, ou un train fantôme, les bruits donnent une dimension tangible au récit. Une tempête sonore envahit la chambre, des bruits de pas, de serrures, de portes que l’on ouvre, que l’on ferme et surtout la voix épouvantable de l’Ogre. Les parois en bois de la chambre rappellent la cale d’un navire pris dans une tempête. Dans la semi-obscurité, l’ouïe des auditeur·ice·s, débarrassée de toute autre sollicitation s’aiguise, pour repérer le danger potentiel, comme dans la nature. Heureusement, cette fable, déconseillée toutefois aux moins de sept ans, est racontée dans le confort de cette cabane. Et le conte, fait d’épreuves, de pertes et de retrouvailles, retrouve sa fonction première de récit d’initiation. « Allez, les enfants, réveillez-vous ! » dit la conteuse. « Moi, je n’ai pas eu peur », assure, bravache, un minot en sortant.
ISABELLE RAINALDI
Spectacle donné du 11 au 14 décembre au Zef, scène nationale de Marseille