Soundouss (Oumaïma Barid) et Jaâfar (Youness Beyej), deux étudiants homosexuels de Casablanca arrivent dans la station balnéaire de Cabo Negro, située à une heure de Tanger sur la côte nord du Maroc, non loin de Ceuta. Une amitié fraternelle et complice unit les jeunes gens. Pour ce séjour, Soundouss a laissé derrière elle, sa petite amie Nadia dont elle est très amoureuse. Jaâfar a les clés d’une villa cossue louée par Jonathan, leur riche professeur américain dont il est l’amant et qui doit les rejoindre. Mais Jonathan n’arrive toujours pas et ne répond plus au téléphone. Sans un sou, ils décident d’attendre quand même, et de profiter de ces vacances. Sur ce scénario a minima, qui préfère l’ellipse et le fragment aux explications politiques ou psychologiques, le film va suivre son cours, jalonné de rencontres, de bains de mer, de siestes et de repas partagés.
C’est doux, lent, et triste et … lumineux. Doux comme la relation qui unit Soundouss et Jaâfar.
Lent, s’étirant comme l’attente désœuvrée de leur hôte américain qui les abandonne.Triste, parce que, derrière ce séjour au soleil dans cette belle maison, malgré le bonheur de cet ici-maintenant, se profilent les fantômes du passé de ces deux jeunes gens, leur parcours difficile d’homosexuels dans une société homophobe, leurs blessures d’enfance. Jaâfar abusé à 9 ans, condamné par un père, qui est enterré là, à Cabo Negro, et pour lequel il prie. Soundouss qui sent bien qu’elle aime, plus qu’elle n’est aimée. Tous deux essuyant les regards désapprobateurs des commerçants, des passants
Triste, parce qu’au-delà de leur cas personnel, on lit le désespoir de toute une jeunesse à l’avenir compromis. Pendant ces quelques jours, ils rencontreront des Migrants africains, un franco-marocain gay, rejeté par les siens, venu voir la tombe de sa Grand-mère bien aimée, un ex-taulard détruit dans son âme, la femme de ménage de Jonathan qui comptait sur son salaire saisonnier pour nourrir ses enfants, l’odieux propriétaire marocain de la villa exigeant son loyer en nature, et les clients de la nuit dans les bois, auxquels Soundouss et Jafaâr vendent leurs corps.
Lumière sur
Le réalisateur ne montrera jamais rien de cette violence-là, de cette misère-là, de ce sordide-là, il filme en plans fixes, la lumière de ses personnages. Leur hospitalité chaleureuse, leur détachement dans les transactions de prostitution, les papillons ou les fleurs colorées sur les petites robes de Soundouss, leur joie de retrouver les rêves de cinéma à travers un catalogue de vieux films égyptiens. Deux beaux enfants dans un monde cruel qui se tiennent la main pour avoir moins peur et conjurer le mauvais sort.
« Je suis marocain et gay, dit Abdellah Taïa , Il est très important pour moi de mettre dans mes livres et mes films des personnages LGBTQ+ … Je refuse l’exclusion qu’on nous impose. L’amour qu’on n’a pas reçu de nos parents, de notre pays, je l’ai inventé et je l’ai fait rentrer dans Cabo Negro »
ELISE PADOVANI
Cabo Negro de Abdellah Taïa
En salles le 3 décembre




