Zébuline. Comment est né le projet de cette pièce ?
Carole Errante. En 2022, la Maison Antoine Vitez [Centre international de la traduction théâtrale, ndlr] m’a proposé de créer une lecture d’une deuxième pièce de Lachlan Philpott, en partenariat avec le Théâtre Joliette. Suite à cela, nous avons été invitées à nous produire dans le cadre d’Avant le Soir, un festival d’été que la mairie des 1er et 7e arrondissements de Marseille produit dans les parcs. Mais il fallait que le spectacle soit tous publics, alors que la pièce est assez crue, et dans une version assez courte. On a donc créé L’Aire Poids-Lourd « light », composée d’extraits et d’insert de paroles de jeunes que nous avons rencontrés dans le cadre d’une résidence au centre social Jean-Paul Coste. C’est en parlant avec ces jeunes, en me rendant compte de la manière dont le texte résonnait avec leurs interrogations et leurs difficultés, que le désir de monter la pièce dans son intégralité est né.
C’est une pièce qui s’adresse directement aux adolescents ?
Je voyais la nécessité d’aborder ces problématiques : l’éveil à la sexualité des jeunes à l’ère des réseaux sociaux, les représentations de plus en plus genrées qu’ils ont et la manière dont ils se construisent avec l’accès au porno. Mais la pièce confronte aussi les adultes aux choses que peuvent vivre, faire ou dire leurs enfants, et à côté desquelles ils peuvent passer. Cela peut créer un vrai choc des générations, notamment par rapport à la crudité du langage utilisé, qui choque le public plus âgé alors que les jeunes s’y retrouvent.
« Je voyais la nécessité d’aborder ces problématiques »
Les protagonistes sont des adolescentes, et il n’y a pas de personnages masculins. C’est intéressant qu’un homme écrive une telle pièce.
Son écriture n’est pas genrée, il n’est pas tendre avec les hommes, qui existent par leur absence. Mais chez Lachlan, il n’y a jamais de morale ni de condamnation. Il laisse un trouble que j’aime beaucoup mais qui peut aussi choquer, car il ne nous dit pas quoi penser de ces adolescentes de 14 ans qui revendiquent leur droit à s’autosexualiser. Cette notion de trouble est au cœur de mon travail, parce qu’elle permet d’appréhender la complexité de chacun et de sortir de représentations figées qui nous amenuisent dans notre définition d’humains. C’est à la fois un enjeu artistique et un outil.
Donc cela offre une certaine liberté ?
Venant de la danse, j’aborde le plateau d’abord par le corps. Pour moi l’écriture de Lachlan est un bijou à travailler car ce n’est que de la rythmique, il n’y a pas de psychologie. Cela me permet vraiment de travailler à mon endroit.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CHLOÉ MACAIRE
L’Aire poids-lourds a été créé au Théâtre Vitez (Aix en Provence) les 16 et 17 janvier et au Chêne noir (Avignon) les 24 et 25 janvier . Lire notre critique ici
À venir
Du 4 au 8 février
Théâtre Joliette, Marseille
Du 1er au 3 avril
Scène nationale de Châteauvallon
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