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Changer de monde

Il est des victoires et des renversements d’avenir qu’il faut fêter, parce qu’ils sont rares au cœur de nos défaites actuelles. L’échec du RN aux dernières législatives, même s’il n’a pas été suivi des effets politiques qu’on pouvait escompter, relevait du sursaut démocratique, tout comme l’élection de Nicușor Dan en Roumanie ce dimanche. 

Le candidat d’extrême droite George Simion, soutenu par Trump, Meloni, Orban et Poutine, adepte de la colonisation en Cisjordanie, de l’arrêt de l’aide européenne à l’Ukraine et de la restauration d’une grande Roumanie annexant la Moldavie, est battu. Le peuple roumain s’est levé, est allé voté en masse, et a refusé de s’enfoncer dans les sous-sols sombres qui nous menacent, comme ils menaçaient les Français dix mois avant eux.

Mais le danger s’affirme en Europe : au Portugal, en Pologne, en Allemagne, l’extrême droite atteint des niveaux qu’elle n’avait pas connus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En France le RN, Le Pen, Bardella et Mariani en chœur, ont relayé les rumeurs complotistes du candidat antivax, homophobe et antirom. George Simion, qui a un petit air de Bardella – lisse et jeune et propre et beau gosse – a bien failli renverser l’équilibre politique européen. Qui ne tient plus qu’à un fil, dans un monde où les régimes les plus autoritaires et criminels s’installent, et qui a besoin de repères et d’instances démocratiques.

Garants de quoi ? 

Mais que signifie « instance démocratique » dans un « berceau de la démocratie » comme la France ? Dans une république qui s’est construite en tolérant les vestiges de l’esclavage, qui a colonisé, établi des lois racistes et réprimé les révoltes dans le sang ? Dans un pays dont aucun des 25 présidents n’a été une femme, et qui ne leur a accordé le droit de vote qu’en 1945 ? Dans une démocratie où, jusqu’en 1982, une orientation sexuelle non hétéronormée était criminalisée ? 

Les pays européens comme la France, qui laissent mourir en Méditerranée et prolongent les droits écocides des industries pharmaceutiques et agricoles, qui restent si longtemps sidérés face au génocide des Tutsis ou des Gazaouis, ne font que prolonger les pages honteuses de leur histoire. Ils semblent pourtant, aujourd’hui, le seul rempart possible contre la fascisation accélérée du monde.

La révolution est en route

À moins qu’on ne se trompe d’analyse ? L’invention de la démocratie n’a pas aboli le patriarcat et a reconduit, en les ouvrant mais pas à tous·tes, les privilèges. Seules les révolutions renversent l’ordre des classes sociales. Et si aucune grande force politique ne prône aujourd’hui, vraiment, le renversement par la violence, une véritable révolution est indéniablement en route, qui ne cherche pas le changement de régime.

Cette révolution est culturelle, et même anthropologique. Les jeunes femmes refusent aujourd’hui le patriarcat et elles sont nombreuses (1 sur 5 d’après une étude de l’Ined relayée par Le Monde) à mettre en œuvre la boutade lesbienne des années 1970 : « Le féminisme c’est la théorie, le lesbianisme c’est la pratique ». 

Dire radicalement non aux hommes qui ne se sont pas déconstruits, faire la nique à leur domination sexuelle et sociale, refuser l’assignation genrée, la sexualité contrainte, niquer la fatalité, reprendre l’espace public, s’emparer des murs, célébrer Sagan, inviter Preciado, tatouer librement les peaux, faire festin commun, politique commune, est une réponse révolutionnaire aux histoires européennes entachées de sang. 

Agnès Freschel


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