Âgés de 18 à 23 ans, les danseurs sont époustouflants de technique, de virtuosité et, plus encore, de qualités d’interprétation. Dans un double programme signé Nadav Zelner et Marco Goecke, ils ont su passer de la joie à la souffrance avec une évidente conviction.
Sémillante et fantastique
Dans Bedtime Story, Nadav Zelner entraine la troupe dans une « farce » aux confins de l’enfance, infusée de ses propres rêves, quand alors tout devient possible. C’est ainsi que, de saynètes en saynètes plus volubiles les unes les autres, la danse les propulse dans un va-et-vient constant de postures arc-boutées, d’arabesques, de mouvements ondulatoires et souples, de performances quasi acrobatiques, régulièrement entrecoupés de gestes anguleux et saccadés. L’ensemble en osmose avec les musiques arabo-andalouses et les percussions nord-africaines choisies par le chorégraphe dès la naissance de la pièce, la musique lui donnant « l’impression d’être dans un rêve plein de liberté et d’espoir »… En vingt minutes chrono, ce bouillonnant opus qui mêle successivement soli et danses d’ensemble, leur fait vivre des instants magiques à la frontière de la pantomime et du clown, et joyeux comme le sont les farandoles et autres rondes carnavalesques.
Place à la retenue
Changement de registre avec The Big Crying de Marco Goecke écrite peu après la mort de son père. Dès les premières minutes, l’intensité dramatique qui les nourrit et les enveloppe nous saisit. La douleur liée au deuil les habite totalement, ressurgissant dans la fébrilité des mouvements, comme une sorte de fuite permanente : les vibrations intérieures font trembler les corps qui se déplacent rapidement, dans un frémissement continu. Marco Goecke parvient à injecter ses émotions jusque dans leur chair, sur leurs visages, dans leurs cris assourdissants, mais dans un jeu minimaliste : ici, place au « peu », à la retenue. Le sautillement mais pas la convulsion ; la souffrance mais pas la violence. Du grand art.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le Nederlands Dans Theater a été accueilli les 22 et 23 juin à Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules.