« On ne nait pas femme, on le devient » écrivait Simone de Beauvoir. On ne nait pas mère non plus, que la maternité soit désirée ou non. Parmi les sept longs métrages en compétition à la 21e édition du festival Cinehorizontes, deux films nous en parlent à travers les histoires d’Amaia dans Lullaby et de Carla dans La Maternal.
Lullaby
« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. » Eh bien, pour Amaia (Laia Costa),traductrice, qui vient d’avoir un bébé, c’est difficile. Son compagnon est très souvent en déplacement, le nouveau-né ne lui laisse pas un moment pour souffler et on lui réclame des traductions qu’elle ne parvient pas à faire. Elle se sent seule, désemparée et prend la décision de retourner chez ses parents dans sa maison d’enfance, sur la côte basque. La cohabitation s’avère difficile. Sa mère, Begoña (Susi Sánchez), femme au foyer, qui aurait pu avoir une autre vie, n’est pas tendre avec sa fille. « Quand on s’occupe d’un parent, le lien est tellement fort qu’un seul commentaire ou un seul regard peut vous donner l’impression de redevenir enfant », confie la réalisatrice basque Alauda Ruiz de Azúa. Ce film touchant dont le titre espagnol Cinco Lobitos, renvoie à une comptine très connue en Espagne qui se transmet de génération en génération. Par petites touches, filmant les gestes quotidiens, les regards entre les membres de cette famille qui s’aiment et ne se comprennent pas toujours, la cinéaste, inspirée par son expérience et de celle de ses amies, évoque avec une grande sensibilité ce que vivent beaucoup de femmes. Et lorsque les places de chacune, par un coup du destin s’inversent, on se dit, comme le résume Begoña, que « parfois on est heureux sans le savoir. »
La Maternal
Clara a 14 ans, la rage au ventre. Sa mère (Angela Cervantes) immature, s’occupe plus de ses aventures amoureuses que de sa fille. Clara, avec son ami Efraim fait du vélo, des bêtises, dont le saccage d’un appartement de « bourges » jusqu’au jour où, arrêtée, enceinte, elle est placée dans un centre pour celles qui, comme elle, n’ont pas choisi ce qui leur arrive. Filles abusées, battues, violées parfois. C’est là que Clara, d’abord fermée aux autres, va vivre sa grossesse, entourée par une équipe très humaine, attentionnée. À l’extérieur, les regards désapprobateurs sur son ventre, l’interdiction de profiter des auto-tamponneuses dans une fête foraine, ravivent sa colère. Au fond, elle est encore une petite fille, « vraiment une canaille » lui dit un des éducateurs. D’abord, elle refuse de parler à sa mère venue lui rendre visite puis, un jour, l’interroge : « Accoucher est-ce que ça fait mal ? – C’est la pire douleur au monde !», l’encourage-t-elle, lui racontant sa solitude au moment où elle la mettait au monde. Quand le bébé qu’elle nomme Efraim est là, Carla va vivre les nuits sans dormir, les pleurs incessants, les questions sans fin : « Je fais tout pour lui et il pleure !» À 14 ans, pas facile d’être mère ; on a envie de sortir, de s’amuser… « Il ne m’aime pas ! Il ne veut plus que je sois sa mère » téléphone-t-elle, en pleurs, à sa mère à qui elle demande de chanter un comptine d’enfance, pour retrouver ainsi son âme de petite fille.
Pour son deuxième long-métrage, après Las niñas, Pilar Palomero a rencontré de nombreuses jeunes femmes, confrontées à des grossesses précoces, placées en foyers d’accueil. La cinéaste porte un regard très bienveillant sur ses personnages, inspirés du réel ; le film, tourné avec des actrices non professionnelles dont la jeune Carla Quílez, malgré quelques longueurs, réussit à nous faire partager la vie de jeunes mères et leur rapport au monde.
ANNIE GAVA
La Maternal vient d’obtenir l’Horizon d’Or du meilleur film à la 21e édition du festival Cinehorizontes