mercredi 2 octobre 2024
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Crépuscules en musique

Riche en proposition, l’été marseillais se conjugue avec Avant le Soir sur plusieurs tonalités musicales

Complice du festival depuis ses débuts, l’ensemble de musique contemporaine Télémaque  se révèle particulièrement présent sur cette édition. 

Jazz du Caucase

Trois de ses membres emblématiques se sont réunis en une formation nouvelle, le Trio Sayat, particulièrement enthousiasmante. À l’écoute de leurs premiers souvenirs de musique, et de mélodies arméniennes ayant bercé leur enfance mais aussi l’histoire de leurs ancêtres, le pianiste Nicolas Mazmanian et le violoncelliste Jean-Florent Gabriel ont concocté plusieurs morceaux. Certains, très écrits, d’autres plus improvisés. « On ne vous dira pas quelles parties ! » préciseront les musiciens, soucieux d’apporter ce qu’il faut d’éclairages personnels et parfois historiques pour faire entendre l’originalité de leurs compositions mais aussi leur ancrage aussi bien mélodique que thématique. Avec, pour fil rouge, l’exil comme inévitable héritage, et un rapport délicat au son et au chant : on entrevoit, sur plusieurs notes tenues, ou le temps d’un accord audacieux, la possibilité d’explorer un chant enrichi de quarts de tons, ou des harmonies aux confins de la tonalité et de la modalité. Le percussionniste Christian Bini se fait ici batteur, et se prête de même que ses complices à des rythmes et tonalités touchant au jazz, aux musiques du monde et tout particulièrement d’Asie mineure. Une formation née pendant le COVID, et que l’on espère voir se développer sur davantage de scènes.

Parfaitement décapant 

Dans une mise en scène enlevée du comédien Olivier Pauls, également – on le découvrira assez vite – présent sur scène, la pépite Désaccords Parfaits nous replonge dans les expérimentations réjouissantes de Berio, Ligeti, Cathy Berberian, Jacques Rebotier, Max Lifschitz ou encore Georges Aperghis et l’inimitable John Cage.  La musique contemporaine des années 1970 ne s’attarde plus à l’exploration d’un énième renouveau du langage musical : elle se questionne, souvent avec une autodérision décapante, sur  la nature même de la musique. Et tout particulièrement du chant, en s’aventurant sur le terrain déjà familier de la parole, mais aussi du théâtre, où bruit, onomatopée, râles s’enchaînent au fil de partitions très écrites. 

La trompette avisée de Gérard Ocello et la voix virtuose de Brigitte Peyré se dévoilent ainsi dans toute leur technicité mais aussi toute leur théâtralité, propices au déploiement d’une étrangeté et d’un comique jubilatoire. Et d’autant plus précieux qu’ils se sont depuis fait rares depuis dans le monde de la musique contemporaine ! L’absurdité réjouissante de pages mêlant bruits, gestes et modalités fantaisistes d’interprétation se joint à celle de textes théâtraux de Dubillard ou de Ionesco, dont Olivier Pauls savoure le goût de la raillerie et de l’épate. 

SUZANNE CANESSA

Le Trio Sayat s’est produit les 9 et 19 juillet et le 12 août
L’Ensemble Télémaque a joué Désaccords Parfaits les 13, 14 et 19 août
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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