mercredi 2 octobre 2024
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Dali change de toile

Quentin Dupieux convoque la figure délirante du peintre catalan. Dans un long-métrage déconcertant, à l’image de son réalisateur et du modèle dont il s’empare  

D’abord il y a le titre majuscule DAAAAAALI !, avec ses six « A » qui semblent évoquer le phrasé traînant et mélodramatique du Maître catalan et, peut-être, les cinq acteurs qui endossent son look et ses attributs : canne crossée, plus sceptre que béquille, moustache-croc, fine et cirée.

Après Yannick, le prolifique Quentin Dupieux enchaîne avec cette fantaisie – mi farce, mi raisin –, présentée à la Mostra 2023, et réunissant pour le rôle phare : Gilles Lellouche, Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Didier Flamand. Face à la multiplicité de l’artiste, Anais Demoustier – une « habituée » des castings de Quentin – est Judith, ex-pharmacienne devenue une journaliste médiocre qui entreprend d’interviewer l’imprévisible Dali. Ce projet d’interview sous l’impulsion du peintre qui ne parle que devant caméra, devient projet de film. Il sera produit par un Jérôme globalement odieux, campé par Romain Duris

Comme toujours le pitch du réalisateur déconcerte et ne dit pas grand chose du film que l’on va voir, dont on ne peut guère parler non plus, tant il tient dans son montage, ses imprévus, et ici plus que jamais, ses métamorphoses. Comme pour un scratching, Dupieux distord. Les scènes sont reprises en boucle, des rêves s’imbriquent dans un supposé réel, les possibles narratifs et filmiques cohabitent, des gags à la Monty Python surgissent. L’univers surréaliste se recrée par citation – Buñuel en filigrane, et par immersion. Le premier plan donne le LA : on entre dans un tableau reconstitué de Dali, Fontaine nécrophilique coulant d’un piano à queue (1933) puis dans un décor saturé de lumière qui reproduit sa maison de Portlligat, où le peintre et Gala ont vécu jusqu’en 1982. L’agneau, la chèvre, l’ours blanc, le crâne, le téléphone filaire, la télé en noir et blanc, un crâne : le bestiaire et les objets dignes d’un cabinet de curiosités en petits cailloux thématiques. La peur de la mort et les vanités au cœur du délire dalinien-dalinesque.

Dali, c’est moi non plus 

En boutade, le réalisateur a déclaré que pour réaliser cet hommage au peintre surréaliste qu’il admire, il est entré en « connexion cosmique » avec lui et s’est laissé guider. Dali serait donc à la fois le sujet de cet improbable biopic mais aussi son auteur par procuration. Fort de sa « méthode paranoïaque-critique », c’est lui qui mène la danse suivant ses caprices de star, et on se demande si l’on peut tout pardonner à un artiste. C’est lui qui impose au montage, le final du documentaire. « Excentrique et concentrique » comme il se définissait. Il y a du Dali dans Dupieux et anachroniquement du Dupieux dans Dali. Ils partagent en tout cas la hantise de s’ennuyer et d’ennuyer : le réalisateur travaille déjà sur son prochain film.

ÉLISE PADOVANI

DAAAAAALI !, de Quentin Dupieux
En salles le 7 février
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