Cocon marseillais de la nouvelle scène chorégraphique, Klap-Maison pour la danse sait mettre en lumière les écritures audacieuses et transgressives. D’autant plus pendant son rendez-vous + de genres, qui interroge l’identité de genre, ses frontières, mais aussi les nouvelles esthétiques dansées, les nouveaux gestes. Et Bonheur de Maurice Broizat (Cie Love Labo) était justement de cette verve-là, plaçant la danse au service d’une performance scénique à tiroirs, emportant avec elle musique, théâtre et humour.
Sans étiquette
C’est le comédien-danseur Jayson Batut qui lance la pièce. Assuré et drôle, il dit aimer voir des sourires dans le public, et spoiler, il en aura beaucoup. Derrière lui, Alexandre Bibia et Silvia Di Rienzo se goinfrent d’une nourriture imaginaire, attablés à une table en plastique. Quant au musicien marseillais Antonin Appaix, il est lui attablé derrière ses machines, etdonnera à manger ses notes aux danseurs pendant toute la durée de la pièce.
Sur le plateau, les scènes se succèdent entre danses loufoques et scènes mimées, ou chuchotées. L’une se meut telle une araignée, langue dehors, l’autre court sur le plateau, rigide comme un I, jusqu’à l’index. Pendant les tableaux, le musicien jette des sons, des bruits, et des notes, que les danseur·euse·s viennent conjuguer de mouvements saccadés oudélicats, toujours avec expressivité. Naissent des moments gracieux, comme la scène amoureuse entre Jayson Batut et Silvia Di Rienzo, ou des moments délicieusement bouffon, quand Alexandre Bibia se bâfre jusqu’à l’outrance, la langue collée au fond du pot de Nutella ( ?).
Viennent aussi des interludes musicaux, voire music-hall, avec Antonin Appaix déboulant sur scène en costume beige, les étiquettes à l’air. Dans le même ton que le reste de la pièce, les qualités musicales n’empêchent pas du second degrés, dans le geste comme dans les paroles : « il faut lâcher prise, lécher la prise ».
La pièce se termine dans un grand éclat de sérénité, après une scène de violence où chaises et tables auront valdingué sur le plateau. Mais musique douce, ronde amicale, vraie nourriture, viennent régler tout ça. Et de beauté, d’humour, de légèreté, le public sortira rassasié.
NICOLAS SANTUCCI
Bonheur a été créé le 13 mars à Klap – Maison pour la danse, Marseille.
Un spectacle touché par les coupes
Créé à Klap à l’occasion du festival + de genres, Bonheur de la compagnie Love Labo aurait dû être créé à l’Antre Peaux (Bourges) en janvier. C’était avant les coupes budgétaires décidées par la Région Pays de la Loire et sa présidente Christelle Morançais [lire notre article sur journalzebuline.fr], rendant impossible l’accueil du spectacle. Des coupes budgétaires aux coupes de programmation, il n’y a qu’un pas.
NICOLAS SANTUCCI
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