Zébuline. Pourquoi avoir nommé la nouvelle saison Incertain regard ?
Jasmine Lebert. Nous n’avons pas voulu de thématique de saison, mais plutôt l’annonce d’une couleur, par une formule qui nous engage. Lorsque l’on porte un regard sur les artistes invités l’an dernier, on se rend compte que leur trajectoire, leur propos sont interdisciplinaires. C’est ce qui caractérise aussi cette nouvelle saison : une forme très vaste de dénominateurs communs qui passent par la « bifurcation du regard ». Une expression que j’emprunte à la philosophe et dramaturge Camille Louis, une des artistes en résidence cette saison. Elle viendra plusieurs fois pour l’écriture de son essai, La fabrique des yeux secs. Il s’agit de prendre d’autres points de vue, d’autres espaces.
Vous conjuguez en effet l’espace dans lequel vous vous trouvez avec les créations mises en œuvre ou réfléchies au 3 bis f…
Oui, par exemple, lors des Journées européennes du patrimoine, organisées avec le centre Montperrin, le théâtre pense les espaces du soin. La première exposition de septembre sera d’ailleurs consacrée à Yoan Sorin, Désordres, univers très riche, très lié au relationnel. Nous avons invité cet artiste à partager une soirée dans le cadre d’actoral avec Camille Louis. Ils l’ont composée ensemble en mettant leurs travaux en résonnance. Notre jardin d’art et d’essai est aussi au centre de cette relation. À l’invitation encore de Diane Pigeau, directrice artistique du centre d’art, Clarissa Baumann, artiste à la fois plasticienne, performeuse, danseuse et chorégraphe viendra en résidence de recherche pour travailler sur l’interrelation entre corps, espace, mémoire, un enchevêtrement et encore une « bifurcation » !
Qu’en sera-t-il de vos Soirées astrales au jardin ?
C’est un temps d’expérimentation autour des artistes en résidence. Pour cette troisième édition Rebecca Digne performera sa nouvelle création Delirio, mêlant arts plastiques, danse, texte et bande son tandis que Marin Fouqué proposera une lecture performance autour de son dernier livre À la terre. Il est difficile de tout énumérer, le superbe travail d’Emmanuel Vigier et de Mario Fanfani, de l’inspiration apportée par la philosophe écoféministe australienne Val Plumwood (1939-2008), de la chorégraphe marseillaise Maud Pison, du musicien Thierry Balasse, du metteur en scène Youri Romão et tant d’autres.
Je voudrais aussi insister sur les groupes de réflexion qui produisent des savoirs « situés » : se croisent les savoirs des expériences vécues, des patients, des artistes, des soignants. Ils reposent sur une méthodologie citoyenne et activent des solidarités entre art et soins, une nouvelle anthropologie des vulnérabilités sachantes s’élabore. Le mouvement du rétablissement est très vivant et très pionnier à l’échelle du territoire.
ENTETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI
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Aix-en-Provence
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