mardi 23 avril 2024
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De la danse des flamants

L’Andalousie a une nouvelle fois pris ses aises dans la commune d’Aubagne cet été. Les Nuits Flamencas mettaient à l’honneur sa culture, son art de vivre et bien sûr, sa musique

Certaines légendes racontent que le flamenco (patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2010) est né de l’observation de la danse des flamants roses, depuis les mouvements élégants de leurs ailes, leur attitude altière, les piétinements obéissant à un tempo d’oiseleur de leurs pattes fines, au large déploiement des plumes. 

Le festival des Nuits Flamencas d’Aubagne, pensé par l’immense guitariste Juan Carmona, associait avec talent les compagnies locales et internationales pour une fête vraiment populaire : animations et spectacles étant tous gratuits – une exception pour un évènement international de cet ordre en France !  

La fin de l’après-midi convoquait ainsi autour des professeurs des associations régionales (Aire Andaluz et Acento Flamenco) tous les amateurs et curieux de danse, surveillant pieds et mains, scandant les rythmes de talonnades et de palmas joyeuses. « Cambre-toi beau gosse, cambre-toi ! » on est presque en Hispanie aux côtés d’Obélix (le « beau gosse » de la BD) et Astérix. Les bras s’animent en volutes et s’étirent jusqu’au bout des doigts. Après l’entraînement où chacun a compté les temps, c’est le moment de la pratique avec le trio Giraldillo (dont le nom s’inspire de celui de la Giralda, l’ancien minaret de la grande mosquée almohade de Séville et monument emblématique de la ville). Antonio Vargas et Carlos Ferreiro Moya au chant et à la guitare animent, surjouent, mêlent thèmes populaires et versions moins connues, tandis que les accompagne aux percussions Alejandro Vargas. Il paraît que la sévillane est un anti-stress notoire. À voir les sourires de tous âges fleurir sur les visages, on n’est pas loin de le croire. Les enfants miment les grands, un fauteuil roulant est entraîné dans la danse. Pour tous, ô combien ! Quelle réussite !

Et dansent les lumières

À la nuit, sur la grande scène installée sur la place Charles de Gaulle, la compagnie d’Antonio Najarro (diplômé du Real Conservatorio Profesional de Danza « Mariemma » de Madrid, danseur étoile du Ballet Nacional de España avant d’en être le directeur artistique) se lançait dans l’interprétation vive de sa nouvelle création, Alento. Musique et danse y sont indissociables : la partition était jouée sur scène par le guitariste et compositeur Fernando Egozcue et ses musiciens, Laura Pedreira (piano), Martín Bruhn (percussions), Tomas Potirón (violon) et Miguel Rodrigáñez (contrebasse). Le flamenco bien sûr est central dans cette œuvre qu’irriguent aussi tous les styles de danse, escuela bolera, danse classique espagnole, une pointe de tango, quelques notes de jazz, des échos de castagnettes, on croit même retrouver un souvenir de Echad Mi Yodea d’Ohad Naharin lorsque les artistes dansent leurs rythmes assis sur des chaises. Mouvements d’ensemble au cordeau, géométries prises au ballet classique, finement réorchestrées, pas de deux lyriques, soli enflammés. Le spectacle offre une variété de tons, de registres, de couleurs qui font percevoir la richesse des écoles qui l’ont nourri, caressé par les éclairages de Nicolás Fischtel qui épousent de leurs mouvements les évolutions dansées et les rythmes musicaux. Les vêtements portés par les quinze danseurs (conçus par les créateurs Oteyza, Víctor Muro et Antonio Najarro himself) ne sont pas là pour éblouir le public de la beauté des formes et des matières, mais font partie intégrante de la chorégraphie, prolongent les corps, deviennent outils chorégraphiques, dissimulant, ouvrant, magnifiant tour à tour tel geste, telle attitude, multiplient les effets, accordant une nouvelle ampleur au moindre pas. Se conjuguent ici folklore au sens noble du terme, classique, contemporain avec élégance. Le public ne s’y trompe pas et acclame debout la troupe. 

Il faut « de la sensibilité et de l’émotion pour créer un nouveau monde » souriait le chorégraphe lors des remerciements. CQFD.

MARYVONNE COLOMBANI

Vu le 1er juillet dans le cadre du festival Les Nuits Flamencas, à Aubagne.

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